Servent : «La paix ratée parce qu’on a bricolé»

Pour le Président pakistanais, la coalition est en train de perdre la guerre contre les talibans en Afghanistan. Invité de Bourdin Direct ce mercredi, le spécialiste des questions de Défense, Pierre Servent donne son point de vue sur ce sujet, "tabou" en France.

Le Président pakistanais Asif Ali Zardari estime que la communauté internationale est en train de perdre la guerre contre les talibans en Afghanistan. « Le problème c’est qu’on n’est pas en train de gagner la paix », précise Pierre Servent, ancien journaliste et auteur du livre Les guerres modernes racontées aux civils... et aux militaires. Invité de Guillaume Cahour ce mercredi sur RMC, ce spécialiste des conflits et de l'armée, a expliqué : « Combattre des talibans à certains endroits, n’est pas une fin en soi ; c’est destiné à essayer de "pacifier" une zone. Et l’objectif n’est pas de rester longtemps dans ce territoire – encore que ça fasse presque une dizaine d’années –, mais de passer la main le plus vite possible aux autorités légales du pays. Donc, quand je dis que la paix a été ratée, c’est que ce théâtre d’opérations a été "laissé à l’abandon" parce que les Américains étaient préoccupés par l’Irak, donc on a "bricolé" en Afghanistan jusqu’en 2008. Les talibans ont donc repris la main. Et malheureusement le gouvernement Karzaï [ndlr, Hamid Karzaï, président afghan] est décrédibilisé par sa mauvaise réélection et par sa corruption. »
Quant à la date évoquée pour le départ des troupes françaises d’Afghanistan, Pierre Servent s’interroge : « 2014, pas sûr que ce sera suffisant… ».

« Parce que le mot "guerre" n’est pas très glamour »

3750 soldats français sont aujourd’hui en Afghanistan. Et pourtant, on ne parle quasiment pas de ce conflit ; ce qui n’étonne pas Pierre Servent, qui réclame « une meilleure visibilité du monde militaire et de ses hommes » : « En France, on ne parle pas de l’Afghanistan, parce que le mot « guerre » n’est pas très glamour et fait peur à notre société. Sur l’Afghanistan, il y a une pauvreté du débat en France. Je ne sais pas pourquoi, c’est compliqué. Est-ce l’ombre portée, psychologiquement, de la guerre d’Algérie ? L’histoire militaire ne passe pas très bien en France ; est-ce que ça joue sur la façon dont c’est traité ? Je ne sais pas.
Par ailleurs, le Parlement s’est peu occupé de ces questions. Au bout de 4 mois de présence militaire, il y a maintenant un débat parlementaire et un vote pour le valider ; ça sensibilise donc un peu plus le Parlement.
Mais ma conviction c’est que tant qu’on n’a pas des auditions publiques du Chef d’Etat major des armées, des grands responsables militaires, devant l’Assemblée nationale et le Sénat, retransmis à la télé et des débats à la radio, tant qu’on n’a pas une visibilité des hommes qui portent cela, ça ne marche pas. Dans notre société, il faut que les choses soient incarnées et le monde militaire ne l’est pas ; personne ne connaît le nom du Chef d’Etat major des armées. »

Pour écouter le podcast intégral de l'interview de Pierre Servent, cliquez ici.
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La Rédaction