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"Toutes les femmes catholiques portaient un voile": quand Castaner se prend les pieds dans la mantille

Une Espagnole portant la mantille durant une procession.

Une Espagnole portant la mantille durant une procession. - GABRIEL BOUYS / AFP

Lundi, réagissant aux propos d'Emmanuel Macron estimant que le voile islamique n'était "pas conforme à la civilité de notre pays", Christophe Castaner a lancé qu'"il y a quelques années, toutes les femmes catholiques" portaient le voile. Si la mantille a bien été recommandée un temps par l'Eglise, son port a toujours été très circonscrit et est tombé il y a longtemps en désuétude.

Les souvenirs de Christophe Castaner seraient-ils quelque peu voilés? Lundi sur RTL, interrogé après que le chef de l'Etat la veille, lors de l'entretien organisé par BFMTV, RMC et Mediapart, a estimé que le voile islamique n'était "pas conforme à la civilité de notre pays", le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et délégué général d'En Marche a émis des réserves. " On s’est posé la question il y a quelques années quand toutes les femmes catholiques portaient un voile? Je ne crois pas", a-t-il asséné, visiblement sûr de son fait. Relancé sur le même sujet, il a appuyé: "Quand en France, y compris nos mamans portaient un voile, le voile des catholiques, on ne se posait pas ce genre de questions."

Cette déclaration sortie de la bouche d'un homme né en 1966 en France, et dont l'enfance s'est déroulée entre la fin des années soixante et les années soixante-dix, a fait bondir ou rire sur la droite de l'échiquier politique, comme l'a noté ici Le Figaro

Si le propos de Christophe Castaner ne repose pas sur rien, il semble en effet décalé dans le temps et la réalité. Certes, dans la bonne société, il a longtemps été mal vu de "sortir en cheveux", c'est-à-dire sans coiffe, pour une femme mais cette désapprobation n'était pas directement religieuse. Christophe Castaner faisait davantage référence à la mantille dont la définition est la suivante dans le Littré: "Longue et large écharpe noire" (...) qui "se porte ordinairement sur la tête et se croise sous le menton". Le dictionnaire l'associe au "costume nationale des Espagnoles". 

La Méditerranée et Saint Paul 

Car c'est bien sur les bords de la Méditerranée, et surtout dans la péninsule ibérique, que la mantille a connu une certaine vogue et c'est lors des messes et éventuellement de processions catholiques que les femmes les plus pieuses s'en servaient pour couvrir leurs cheveux. Cet usage a ses racines dans le Nouveau Testament et plus précisément dans le onzième chapitre de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens, entre les versets 4 et 6:

"Tout homme qui prie ou qui prophétise la tête couverte, déshonore sa tête. Toute femme qui prie ou qui prophétise la tête non voilée, déshonore sa tête : elle est comme celle qui est rasée. Si une femme ne se voile pas la tête, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or, s’il est honteux à une femme d’avoir les cheveux coupés ou la tête rasée, qu’elle se voile."

Le point 1262

Lorsqu'elle publie son Code de droit canonique en 1917, un texte censé entre autres réglementer le rite, l'Eglise catholique encourage officiellement les femmes participant aux cérémonies à se couvrir les cheveux. Dans une section du livre III, consacrée au culte divin, on lit ainsi le point 1262, à l'évidence inspiré de Saint Paul:

"Quand ils assistent aux fonctions sacrées, spécialement à la messe, soit à l'église, soit au dehors, les hommes doivent être découverts, à moins que les circonstances n'imposent le contraire, ou que les usages n'exigent qu'ils restent couverts; quant aux femmes elles doivent avoir la tête couverte et être vêtues modestement, surtout quand elles s'approchent de la sainte table."

Abrogé 

Mais, comme le note ici Marianne, cette injonction, restreinte aux seules églises et non étendue à la vie quotidienne, n'a été suivie que par les femmes catholiques les plus à cheval sur cette forme de discipline. Et les cheveux des fidèles ont été oubliés dans le Code de droit canonique de 1983 qui a abrogé le précédent.

Aujourd'hui, il n'y a plus guère que les nonnes qui se couvrent les cheveux en prenant l'habit. Enfin, pas tout à fait. Comme le signale L'Orient - Le Jour, il est encore une occasion où le clergé demande, sans qu'il s'agisse d'une obligation, aux femmes de se vêtir de couleurs sombres et de se voiler les cheveux: lorsqu'elles rencontrent le pape. 

Robin Verner