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Le foie gras halal, nouveau débouché à l'export

Foie gras de canard. Marché encore embryonnaire, le foie gras hallal est susceptible d'ouvrir de nouvelles perspectives à l'export. Alors que la Californie a fermé ses portes au foie gras depuis le mois de juillet, les ventes de ce mets emblématique de la

Foie gras de canard. Marché encore embryonnaire, le foie gras hallal est susceptible d'ouvrir de nouvelles perspectives à l'export. Alors que la Californie a fermé ses portes au foie gras depuis le mois de juillet, les ventes de ce mets emblématique de la - -

par Jean Décotte GAILLAC, Tarn (Reuters) - Au beau milieu du vignoble gaillacois, la vingtaine de canards se dandine et s'ébroue sur un pré à flanc...

par Jean Décotte

GAILLAC, Tarn (Reuters) - Au beau milieu du vignoble gaillacois, la vingtaine de canards se dandine et s'ébroue sur un pré à flanc de coteau, guettée de loin par Hippolyte, un chien colley noir et blanc.

Pour le moment destinés au marché français, ces palmipèdes pourraient bientôt connaître de nouveaux horizons : la ferme de Vicary, dans le Tarn, s'est spécialisée dans le foie gras halal, un marché pour le moment embryonnaire mais susceptible d'ouvrir de nouvelles perspectives à l'export.

Alors que la Californie a fermé ses portes au foie gras depuis le mois de juillet, les ventes de ce mets emblématique de la gastronomie française décollent dans des pays comme le Qatar et les Emirats arabes unis.

Selon le Comité interprofessionnel du foie gras (Cifog), sur les huit premiers mois de 2012, les exportations françaises vers les Emirats ont progressé de 14% en valeur par rapport à la même période de 2011, à 435.000 euros, et se sont envolées de 543% au Qatar à 302.000 euros.

"C'est une production qui remonte à une petite dizaine d'années, même si c'est un marché infinitésimal", explique Marie-Pierre Pé, déléguée générale du Cifog.

"La filière exporte quelques dizaines de tonnes aux Emirats arabes unis, au Qatar, ce n'est pas grand-chose mais effectivement ce côté export pourrait se développer."

Au total, la filière française produit aujourd'hui environ 23.000 tonnes de foie gras par an, soit 75% de la production mondiale et représente environ 30.000 emplois directs.

UN MARCHÉ QUI PROGRESSE BIEN

Pour Delpeyrat, qui se présente comme l'un des leaders du secteur en France, le halal est un "gros marché" sur le Moyen-Orient et les pays musulmans.

"En terme de volumes, ce n'est pas énorme : c'est 3 à 5% de notre production totale", précise Stanislas Salembier, directeur export du groupe, qui fait néanmoins état d'une nette progression des ventes dans ces régions.

"Il y a une demande, elle progresse d'environ 10% par an. Le halal, ce n'est peut-être pas le marché qui progresse le plus, mais ça fait partie des marchés qui progressent bien."

Delpeyrat, filiale de la coopérative Maïsadour, fournit à Carrefour le foie gras halal vendu dans les hypermarchés français du groupe sous marque distributeur, mais la majeure partie de sa production halal part pour l'étranger.

"On fait du halal pour répondre à la contrainte technique légale d'importation, pas pour se mettre à la mode", explique Stanislas Salembier.

"On a ciblé ces marchés du Golfe et du Maghreb et on a vu que la contrainte pour rentrer c'était de faire du halal, donc on s'y est mis."

Près de Gaillac, la ferme de Vicary a produit 600 kg de foie gras halal l'an dernier et, face à la forte demande, le couple d'agriculteurs exploitants a augmenté cette production à 800 kg cette année.

"Vu notre taille et vu notre charge de travail, on se consacre plutôt au marché français, sur le grand Sud-Ouest, de Bordeaux à Perpignan, mais pourquoi pas, à l'avenir, se développer sur l'export ?", s'interroge Abdelmounaim Chlieh, qui a construit cette ferme avec son épouse il y a trois ans.

"Au niveau des structures, j'ai ce qu'il faut si besoin pour doubler la production, à condition bien sûr d'avoir les moyens humains en face."

"LE GOÛT EST IDENTIQUE"

Dans cette exploitation de 11 hectares, Abdelmounaim Chlieh élève 2.000 canards, avec l'objectif d'ouvrir à un nouveau public cette spécialité traditionnelle. L'idée lui est venue au moment de son stage de BTS chez un éleveur spécialisé dans le foie gras.

"Immédiatement, ça m'a plu et automatiquement je me suis dit : 'pourquoi ne pas m'installer sur le canard et proposer une gamme halal aux musulmans ?'", raconte cet agriculteur de 35 ans, désireux de proposer des produits de qualité artisanale face à l'offre industrielle existante.

"C'était un pari, on a trouvé les terrains et on s'est installé."

Titulaire d'un agrément de la mosquée d'Evry (Essonne), Abdelmounaim Chlieh est habilité à sacrifier ses canards selon le rite musulman. Il souligne que la méthode d'abattage est la seule différence entre un produit halal ou non halal.

"Après, sur le reste de la chaîne, ça ne change rien. Le goût est strictement identique", fait-il valoir.

Abdelmounaim Chlieh écoule 40% de la production directement à la ferme, le reste étant expédié dans des boutiques à Bordeaux, Montpellier ou Agen.

Dans son petit magasin, empli de bocaux de foie gras et de conserves de cassoulet ou de confit, le jeune agriculteur se dit heureux de pouvoir "proposer ce produit-là, un produit festif, à d'autres catégories de consommateurs".

"Ma clientèle, ce sont beaucoup de couples mixtes, beaucoup de personnes converties à l'islam, et surtout des jeunes de notre génération, qui ont les moyens, qui ont un niveau de vie, qui occupent des postes de cadres et qui veulent aussi consommer des bons produits", dit-il.

Avec Chris Borckman, édité par Yves Clarisse