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Religions

L'exécutif accusé de mise en scène face à l'islam radical

Arrestation à Couëron, près de Nantes, vendredi dernier.

Arrestation à Couëron, près de Nantes, vendredi dernier. - -

Le gouvernement français multiplie les mesures visant les milieux islamistes radicaux depuis la mort de Mohamed Merah, au risque d'être accusé d'instrumentaliser les forces de l'ordre pour favoriser le candidat-président Nicolas Sarkozy.

Des prétendants à la présidentielle s'interrogent sur le "calendrier" des deux coups de filet menés en moins d'une semaine contre des militants islamistes et l'expulsion de cinq intégristes, à moins de trois semaines du scrutin. Au lendemain des tueries de Toulouse et Montauban, le chef de l'Etat avait prévenu que le gouvernement adopterait désormais une tolérance zéro envers l'islam radical. Mais ses adversaires lui reprochent de se livrer à une surenchère avec la candidate du Front national Marine Le Pen, qui a estimé après les sept meurtres commis par Mohamed Merah que "le fondamentalisme a été sous-estimé sur notre territoire." La gauche soupçonne Nicolas Sarkozy, qui a repris la tête des intentions de vote au premier tour dans plusieurs sondages, de jouer son va-tout en cherchant à récupérer une partie de l'électorat FN, comme il avait réussi à le faire en 2007.
Au Parti socialiste, François Hollande s'est dit surpris par le calendrier des opérations. "S'il y a des soupçons, s'il y a des risques, ils doivent être conjurés. Ce qui peut surprendre, c'est pourquoi le faire après un acte terroriste qui a profondément affecté les esprits", a dit le candidat socialiste. "Je ne mets pas en cause du tout ce qui se fait, ce que je dis simplement c'est que nous aurions dû, pu, peut-être, faire davantage avant", a ajouté le candidat socialiste sur RTL.

Aubry : « Pour la fermeté, pas pour le spectacle »

La première secrétaire du PS, Martine Aubry, s'est quant à elle dite "choquée" par la médiatisation des opérations. "Je suis pour la fermeté mais pas pour le spectacle, je suis toujours choquée de voir que les télévisions sont là, laissons la justice faire son travail", a-t-elle dit sur France info.
Le candidat centriste François Bayrou a également dit son opposition à toute "forme publicitaire et mise en scène" des arrestations d'islamistes présumés opérées "devant les caméras". "Des interventions policières de cet ordre, sous le contrôle de la justice, ne devraient pas se faire, me semble-t-il, sous forme publicitaire, mise en scène", a-t-il dit sur i>TELE.
Le Syndicat de la magistrature, classé à gauche, avait accusé Nicolas Sarkozy "d'instrumentaliser" les arrestations en provoquant des fuites susceptibles de nuire aux enquêtes.
Marine Le Pen, qui a mis en cause l'efficacité des services de renseignement, a tenté pour sa part de mettre à mal l'image "sécuritaire" de Nicolas Sarkozy, lui reprochant de s'être laissé contaminer par "l'angélisme" de la gauche.
Les critiques de Marine Le Pen semblent avoir pesé dans la décision du gouvernement de refuser la venue en France d'une demi-douzaine de prédicateurs invités cette semaine au congrès annuel de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF).

« Dangerosité islamiste » ou « gesticulation électoraliste » ?

Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a toutefois refusé d'envisager la dissolution de l'UOIF, comme le réclamait la dirigeante du FN. Prise à contre-pied par l'activisme des autorités, Marine Le Pen a dénoncé mardi le "culot" et le "cynisme" du gouvernement. "Jusqu'au dernier jour, le mandat sarkozyste aura été le quinquennat de la gesticulation électoraliste", a renchéri mercredi son directeur de campagne, Florian Philippot, en rappelant dans un communiqué l'agitation de 2010 sur les Roms.
Claude Guéant a convenu que les opérations de police contre les milieux islamistes avaient été accélérées à cause de l'affaire Merah, tout en soulignant que le gouvernement prenait régulièrement ce type de mesures. Durant l'année 2011, dix islamistes radicaux, dont un imam, ont été ainsi refoulés de France, a-t-il fait valoir.
Concernant le groupe salafiste Forsane Alizza, dont 13 membres ont été mis en examen mardi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, une information judiciaire avait été ouverte dès le 8 mars, a souligné le parquet. Le chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, a affirmé samedi que l'opération se justifiait par la "dangerosité" du groupe. Il cherchait à "se structurer de façon solide" et "voulait nommer des émirs dans chaque région", a-t-il déclaré dans l'édition de samedi de La Provence. Le procureur de Paris François Molins a révélé depuis que le groupe avait envisagé d'enlever un magistrat, ce qu'il a qualifié de "projet intellectuel" sans véritable tentative.
En revanche, le coup de filet mené mercredi matin et visant des personnes isolées, présentant des profils similaires à celui de Mohamed Merah, a été effectué dans le cadre d'une enquête préliminaire et apparaît plus comme une opération préventive. "Il s'agit d'individus isolés, autoradicalisés, présentant pour certains des profils de petits délinquants, et qui se sont rendus ou projetaient de se rendre dans la zone pakistano-afghane et dans le Sahel", dit-on de source policière.