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"Islamo-fascisme", une expression aux origines très droitisantes

Une image extraite d'une vidéo de propagande de l'Etat islamique.

Une image extraite d'une vidéo de propagande de l'Etat islamique. - IS Raqqa- AFP

Le Premier ministre Manuel Valls a évoqué lundi "le combat" qui doit être mené par la "communauté nationale et en particulier musulmane" contre "l'islamo-fascisme". Zoom sur cette expression.

"Pour combattre cet islamo-fascisme, puisque c'est ainsi qu'il faut le nommer, l'unité doit être notre force". L'expression est lâchée: lundi, Manuel Valls a été le premier membre du gouvernement à parler d'islamo-fascisme. Un néologisme controversé, assimilant l'islamisme radical moderne aux mouvements fascistes européens du XXe siècle, et qui jusqu'alors avait été plutôt employé par la droite.

De Mamère à Estrosi

Seule exception notoire à gauche: le député de la Gironde Noël Mamère. Au lendemain des attentats à Paris, l'élu EELV avait posté sur Rue89 une tribune intitulée "Comment lutter contre l'islamo-fascisme".

Joint par BFMTV.com, il explique sa pensée. "La communauté musulmane est aussi diverse que celles des juifs et des chrétiens, et il ne faut pas avoir peur de dire qu'il existe un courant politique très minoritaire au sein de l'Islam qui prône une idéologie fasciste, tout comme il existe des intégristes chez les chrétiens et les juifs. Mais il faut tout aussi lutter contre ceux qui utilisent ce terme d'islamo-fascisme pour procéder à des amalgames", s'indigne le député.

Une pique en direction de son homologue des Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, qui lui aussi parle d'islamo-fascisme. Dimanche, dans l'émission "C Politique", l'élu de Nice s'est en effet montré moins nuancé dans sa critique de l'Islam, comme l'a repéré Le Lab d'Europe 1. "Les chrétiens ne posent pas de problème, la religion juive ne pose pas de problème. Mais il y a un vrai problème posé par l'Islam. (...) Il y a de grands intellectuels chez eux, des imams de qualité, des responsables associatifs et j'attends qu'ils prennent plus de responsabilités pour dénoncer l'islamo-fascisme", a dénoncé le député-maire UMP.

Un mot aux origines droitisantes

En réalité, Manuel Valls avait déjà employé l'expression "fascisme islamique" alors qu'il était ministre de l'Intérieur, après l'assassinat de l'opposant démocrate tunisien Chokri Belaïd, en 2013. Mais on retrouve plus en arrière trace de cette expression dans les propos de l'ancien président américain, Georges W. Bush, lorsqu'il justifiait dans ses discours l'engagement de son pays au Moyen-Orient. Expression qui lui aurait été soufflée par un conseiller de la Maison Blanche, Bernard Lewis, indiquait en 2006 le chercheur Stefan Durand dans Le Monde diplomatique. Bernard Lewis, spécialiste reconnu du monde arabo-turc, proche des milieux néoconservateurs, n'a jamais caché son hostilité à l'Islam. C'est lui qui a politisé ce terme, dont la paternité revient en 1990 à l'historien Malise Ruthven, spécialiste britannique du fondamentalisme musulman.

Lundi, les propos de Manuel Valls ont cependant fait bondir Roland Dumas, invité de BFMTV et de RMC. L'ancien président socialiste du Conseil constitutionnel n'y a vu là qu'un "slogan pour faire de l'audimat". "Le fascisme, c'est autre chose. Il ne faut pas exagérer. J'appelle les gens à la raison".