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Hausse de l’islamophobie: quelle réalité?

L'entrée de la grande mosquée de Paris.

L'entrée de la grande mosquée de Paris. - -

Projet d'attentat, attaque de femmes voilées, sondages, polémiques à répétition... La communauté musulmane se dit inquiète de la montée du sentiment anti-islam.

Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, a estimé lundi matin que le projet d’attentat d’un militaire, interpellé le 7 août, contre une mosquée de Vénissieux, près de Lyon, témoignait d’un "climat d’islamophobie" en France. Sur quoi ce sentiment, ressenti par de nombreux musulmans de France, est-il fondé? Décryptage.

Des actes islamophobes en constante augmentation

Interrogé lundi par BFMTV, Mohamed Moussaoui, ancien président du Conseil Français du culte musulman (CFCM) est catégorique: "Force est de constater que la hausse des actes anti-musulmans est constante depuis plusieurs années. En 2012 on a déjà dit qu’il y avait une augmentation de plus de 30% des actes anti-musulmans. Une augmentation similaire a eu lieu en 2011. 2013 est une année qui n’est guère rassurante car nous avons déjà enregistré une augmentation de 50% des actes anti-musulmans."

Malgré un débat sur les chiffres, les différentes organisations constatent toutes une hausse de ces actes. Abdallah Zekri, président de l’Observatoire de l’islamophobie, fait part de ses inquiétudes à BFMTV: "Au-delà de cette arrestation, il peut y avoir d’autres personnes qui ont les mêmes idées et qui souhaitent peut-être, également projeter de tels actes". "Cela m’inquiète sur la montée de l’islamophobie galopante en France".

Ce sentiment de menace est-il légitime? "On n’est pas dans les années 30 pour mettre en place des lois discriminatoires", relativise le politologue et sociologue des religions Raphaël Liogier interrogé par BFMTV.com. "Mais attention, si on prend le programme de la droite forte un des principaux courants de l’UMP, NDLR, il est question de faire signer une charte aux musulmans. C’est une loi d’exception, et c’est contraire aux principes généraux du droit."

En toile de fond: un sentiment "paranoïde"

"Les débats sont entretenus dans le champ politique", considère Raphaël Liogier. "Ces débats, qui tournent dans le vide, modifient le regard de nos contemporains et créent une ambiance paranoïde." Près de trois Français sur quatre (73%) disent en effet avoir une image négative de l'islam, quand les autres religions recueillent l'agrément d'une nette majorité, selon un sondage rendu public au mois d'avril. Ce même sondage pointe pourtant que 33% des sondés admettent ne pas bien connaître cette religion et 32% seulement jugent ses valeurs compatibles avec celles de la société française.

Selon le spécialiste, ce phénomène s'explique par le "mythe de l'islamisation" [titre de son livre, NDLR]: "On a le sentiment d'être grignoté", décrypte Raphaël Liogier. "Depuis le début des années 2000, on est dans une Europe qui a le sentiment de devoir lutter pour défendre sa culture. Au point que certains s'estiment dans leur droit en commettant des actes islamophobes. Mais l'exception française n'est plus exceptionnelle que pour les Français". L'islam est alors, d'après lui, devenu la cible, notamment à cause du phénomène de colonisation inversée. Le problème, c'est que "cette mise en scène crée les conditions du passage à l'acte tragique de personnes paumées qui ont besoin d'expurger leurs frustrations des deux côtés: Mohamed Merah vs Anders Breivik."

"Y a-t-il une confusion entre les musulmans et le djihadisme? Oui, très forte", poursuit le chercheur. "Aujourd'hui, un sandwich halal va devenir un problème de sécurité nationale. Et cette confusion crée de la frustration et engendre... du djihadisme! C'est l'exemple de Mohamed Merah, musulman de la dernière heure, converti pour devenir djihadiste."

Que faire?

Raphaël Liogier dénonce "un climat délétère très grave", dû notamment à la déresponsabilisation des élus. Les politiques doivent "sortir de la politique du signe au profit d'une politique du sens, des mesures ciblées", "alors qu'ils font du populisme du plus en plus radical". Le système actuel "nous pousse à prendre des mesures qui sont en contradiction avec notre histoire, comme ce débat sur le voile à l'université".

"C’est un fléau qu’il va falloir que nous éradiquions tous ensemble", a réagi Kamel Kabtane auprès de BFMTV. Le recteur de la mosquée de Lyon propose de "prendre le taureau par les cornes" en mettant en place une "Commission contre l’islamophobie, pour savoir quelles en sont les causes et comment, ensemble, nous pouvons lutter". Un principe auquel le chercheur adhère, "à condition que ce soit une instance indépendante, qui consulte des chercheurs qui ne sont pas au service d'une idée ou d'une autre".

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Aurélie Delmas