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Début du Ramadan: les musulmans espèrent des fêtes "plus chaleureuses" après le Covid-19

Un vendeur de pâtisseries orientales dans le quartier de Barbès à Paris à quelques jours du Ramadan en 2017 (Photo d'illustration).

Un vendeur de pâtisseries orientales dans le quartier de Barbès à Paris à quelques jours du Ramadan en 2017 (Photo d'illustration). - BENJAMIN CREMEL

Après deux ans de restrictions liées au coronavirus, les musulmans de France se préparent à un ramadan "plus détendu" et "plus chaleureux" cette année. Commerçants et pratiquants racontent leurs préparatifs à BFMTV.com.

Fatima Kalouchi déjà acheté les dattes, les pâtisseries et ses légumes pour confectionner sa traditionnelle soupe. Objectif? Qu'elle et ses proches puissent se réunir pour pouvoir enfin partager le ftour (la rupture du jeûne) au coucher du soleil ensemble, après deux années compliquées par le coronavirus.

La Grande Mosquée de Paris l'a confirmé vendredi soir, le Ramadan, ce mois sacré de l'islam débute bien ce samedi.

"C'est la première année où on va pouvoir se permettre de fêter ça comme avant, où on va enfin être un peu plus sereins", se réjouit cette mère de trois enfants, fonctionnaire à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), qui prévoit d'inviter son père âgé et isolé à manger ce week-end. "Cette année, on va se permettre un peu plus d'activités, on se sent forcément un peu plus libres sachant qu'on est tous vaccinés. Je pense que ça va être plus chaleureux".

Certaines familles encore frileuses à cause du Covid

D'autres familles, "encore embêtées avec le Covid", ont plus de mal à se lancer dans les préparatifs. Pour l'instant, Safia* pense passer ce mois de jeûne dans son cercle familial restreint, c'est-à-dire avec ses trois enfants et son mari. "Ça fait deux ans qu'on a du mal à se projeter", raconte à BFMTV.com cette femme de 35 ans, en pleine reconversion professionnelle dans le secteur de l'immobilier à Amiens.

La jeune femme, enceinte, espère tout de même pouvoir jeûner un peu, même si cela ne lui est pas imposé. Frileuse à l'idée d'organiser de grands rassemblements à la nuit tombée, Safia envisage plutôt de se concentrer sur la prière et tous les aspects spirituels de cette fête religieuse.

"Le Covid est encore très présent", soutient la mère de famille, encore inquiète par la reprise de l'épidémie, notamment dans les établissements scolaires. "En ce moment quasi toute l'école de mes enfants est cas contact et mon fils qui est au collège a aussi un cas dans sa classe. Mes parents en sortent tout juste, donc on fait attention. On ose pas encore inviter les membres de notre famille chez nous".

"Et puis, il faut dire qu'on a pris l'habitude de ne plus faire de plans sur la comète parce que ces deux dernières années, c'était Ramadan à la maison, en petit comité, par respect pour nos aînés", raconte la trentenaire. "L'année dernière on s'était juste permis une petite fête en extérieur pour la fête de l'Aïd (à la fin du ramadan) car on a la chance d'avoir un jardin. Et encore, je me baladais avec mon chiffon et ma bouteille de Javel", plaisante-t-elle.

"C'est sûr qu'avec le Covid, le ramadan a changé", confirme Fatima Kalouchi. Ces deux dernières années, "c'était davantage chacun chez soi, surtout en 2020 où on était confinés. C'était un peu plus triste, moins convivial. On a vraiment ressenti un manque, on sentait que ce n'était pas comme d'habitude. Je pense que la majorité des musulmans de France ne l'ont pas bien vécu du tout. D'autant que c'est vraiment le mois le plus important de l'année pour nous."

"Surtout que le ramadan, c'est le partage, c'est quelque chose de très familial", soutient cette mère de famille, qui a hâte de pouvoir se rassembler à nouveau. "On rend visite aux parents, aux grands-parents, aux voisins même parfois. On va chez l'un, chez l'autre, les enfants reçoivent des cadeaux, on met tous les plats sur la table et on rompt le jeûne tous ensemble".
Un homme en train de regarder un Coran sur un marché parisien en 2017. (Photo d'illustration)
Un homme en train de regarder un Coran sur un marché parisien en 2017. (Photo d'illustration) © BENJAMIN CREMEL

Les commerçants plus optimistes cette année

"Le coup de massue, ça a été la fermeture des mosquées" (à cause des restrictions liées au Covid-19), ajoute-t-elle. "Généralement avant les repas de famille certains se rendent à la mosquée pour aller prier et éventuellement commencer à rompre le jeûne avec une datte. C'est vraiment très important, elles sont toujours bondées à cette période de l'année. Là, je sais que mon père est ravi de pouvoir s'y rendre samedi soir, chose qu'il n'avait pas pu faire ces deux dernières années. En plus, les mosquées organisent toujours des événements conviviaux pour fêter le début du ramadan: ils invitent des étudiants etc."

"On attendait ce mois avec impatience, surtout cette année", confie à BFMTV.com Rhamani, gérant de l'épicerie orientale Le Ptit Souk située dans le 13e arrondissement de Paris. Ce dernier espère bien faire 25 à 30% de plus de chiffre d'affaires que les deux années précédentes à la même période, où le Covid-19 avait plombé ses comptes. "Je suis optimiste, je pense que cette année ça va être différent, j'ai l'impression que les gens sont plus détendus, surtout depuis qu'il n'y a plus le masque", espère le Parisien, qui cherche encore à recruter du personnel pour l'occasion.
Le gérant d'une boutique de pâtisseries orientales du Havre avec des clients pendant le Ramadan en mai 2018.
Le gérant d'une boutique de pâtisseries orientales du Havre avec des clients pendant le Ramadan en mai 2018. © CHARLY TRIBALLEAU

Chez Bahadourian, "ça fait deux mois qu'on se prépare. Maghreb, Syrie, Liban, Jordanie... on importe des produits d'un peu partout dans le monde donc pour le ramadan on s'y prend toujours à l'avance", explique Armand Bahadourian, patron des épiceries fines orientales à Lyon. Le chef d'entreprise, bientôt octogénaire, veut laisser la période du coronavirus derrière lui.

"Le virus, on commence tout doucement à l'oublier: depuis 15 jours, on a du monde qui vient passer commande. On sent que les clients se préparent plus en amont que ces deux dernières années", se réjouit-il. "Mais on a un autre problème qui se pose", souligne-t-il: on commence à manquer de certains produits, notamment d'huile et de farine", déplore Armand Bahadourian. "Une crise en remplace une autre", note-t-il, en référence à la guerre en Ukraine qui bouleverse les approvisionnements en certains aliments. Ces dernières semaines, l'huile de cuisson est vendue en quantités limitées et son prix a plus que doublé depuis l'invasion de l'Ukraine.

* Le prénom a été changé

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV