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BarakaCity, l'ONG musulmane qui fait polémique

Soupçonnée par certains de collaborer avec Daesh, reconnue par d'autres pour empêcher des jeunes de partir faire le jihad, l'ONG humanitaire BarakaCity, dont l'un des bénévoles est détenu au Bangladesh, divise. Focus.

BarakaCity: depuis dimanche, le nom de cette ONG musulmane est à la une de tous les médias. En cause, la sortie polémique de son dirigeant d'obédience salafiste, Idriss Sihamedi, sur le plateau de télévision du Supplément, dimanche dernier sur Canal+. Invité pour parler de la détention injustifiée de l'un de ses humanitaires, Moussa, au Bangladesh, le trentenaire a été amené à évoquer les actions terroristes de l'organisation Etat islamique, et s'est montré suffisamment hésitant pour jeter un froid. 

"S'ils tuent des gens, brûlent des gens dans des cages, tirent sur des femmes enceintes, je ne vais pas vous dire 'non, je ne condamne pas'. Mais je suis gêné de la question". "Et nous, nous sommes gênés de la réponse", lui a alors rétorqué le journaliste Ali Baddou.

Relativement silencieuse face à lui sur le plateau, Najat Vallaud-Belkacem a réagi depuis sur sa page Facebook et à l'Assemblée nationale. "Les propos de cet individu mettent en cause les principes fondamentaux de notre République", écrit la ministre de l'Education nationale.

Sulfureux, mais actif sur le terrain?

Joint par BFMTV.com, un spécialiste des questions jihadistes voit toutefois une autre explication aux propos polémiques du dirigeant de BarakaCity.

"Idriss Sihamedi ne peut pas se permettre de condamner publiquement l'Etat islamique. Il a des bénévoles sur place en Syrie, dont la sécurité pourrait être menacée s'il s'exprime clairement contre Daesh".

Cet expert admet toutefois le radicalisme certain du président de l'association, qu'il qualifie de "communautariste": 

"Il a une vision de l'Islam qui n'est pas compatible avec les valeurs de la République, par exemple sur la question de la femme. Par ailleurs, BarakaCity a la sympathie de certains jihadistes, notamment des combattants d'Al-Qaïda. Mais cela ne va que dans un sens: l'ONG elle-même n'est en rien le vecteur d'une idéologie jihadiste. Les bénévoles font un vrai travail humanitaire auprès des populations musulmanes."

"C'est le meilleur rempart contre le terrorisme"

Une analyse partagée par un autre spécialiste reconnu du jihadisme, interrogé par BFMTV.com: 

"C'est une organisation salafiste ultra-réactionnaire. Mais j'ai personnellement tendance à penser qu'ils sont l'un des meilleurs remparts contre le terrorisme en France, en cela qu'ils canalisent la révolte de certains jeunes en banlieue, en leur disant: 'Tu es en colère? Tu as envie de t'engager? Alors viens faire de l'humanitaire avec nous et aider les musulmans opprimés, plutôt que de faire le jihad armé avec Daesh'. Ils ont un rôle plutôt positif, même s'ils sont borderline sur certains sujets." 

Un argumentaire d'ailleurs livré par Idriss Sihamedi sur Canal+ dimanche, mais peu relevé dans les médias. "Ce n'est pas qu'on ne condamne pas l'Etat islamique, c'est qu'on essaye d'avoir une certaine pédagogie pour discuter avec les jeunes, et pour leur faire comprendre qu'on est une alternative qui est bien, qui est pacifique", a argué le président de l'ONG. 

Fiché par le renseignement

Ancien gérant d'une agence de communication et engagé auprès des plus pauvres, Idriss Sihamedi a quitté son métier en 2010 pour fonder BarakaCity, avec pour objectif d'aider principalement les populations musulmanes dans le monde, comme les Rohingyas au Bangladesh. Rapidement, il a réussi à susciter un engouement et à lever des fonds grâce à des campagnes digitales et une base de militants présents sur les réseaux sociaux. En 2012, l'ONG avait ainsi collecté près d'un million d'euros en sept jours seulement, pour une campagne destinée à fabriquer des puits d'eau potable au Togo. 

Une réussite teintée d'un radicalisme non dissimulé, qui a attiré l'attention des services de renseignement. En 2014, Idriss Sihamedi a été fiché par la DGSI, et ces derniers mois, les locaux de l'association ont été perquisitionnés à deux reprises. Pourtant, jusqu'à présent, rien n'a permis de prouver un lien quelconque entre le jihad en Syrie et l'association française. Jointe par BFMTV.com pour évoquer ce sujet, BarakaCity n'a pas donné suite à nos sollicitations.