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Arrêtés anti-burkini: le ministère de l'Intérieur joue la montre

De nombreux arrêtés anti-burkini ne seront plus valables au 31 août.

De nombreux arrêtés anti-burkini ne seront plus valables au 31 août. - AFP

Le tribunal administratif de Toulon examine ce mardi le recours contre l'arrêté anti-burkini pris à Toulon. Mercredi ce sera au tour du tribunal de Nice de se prononcer pour trois autres villes avec un jugement qui semble déjà écrit après la décision du Conseil d'Etat.

Quatre nouveaux arrêtés anti-burkini devraient être suspendus mardi et mercredi. Le tribunal de Toulon va examiner cet après-midi le recours déposé par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) contre le texte visant à interdire le port du burkini sur les plages de Fréjus, dans le Var. Dans la matinée, le tribunal de Nice a suspendu l'arrêté pris à Cannes en attendant de se prononcer mercredi sur les recours contre l'arrêté pris à Nice mais aussi à Menton et Roquebrune-Cap-Martin. 

Le jugement semble déjà écrit. Vendredi, le Conseil d'Etat a suspendu l'arrêté anti-burkini pris sur la commune de Villeneuve-Loubet. La plus haute juridiction administrative, dont la décision s'impose juridiquement, estime que seule la présence d'un risque de trouble à l'ordre public pourrait justifier une restriction de la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle que représente l'interdiction de porter cette tenue recouvrant la totalité du corps à l'exception des pieds, des mains et du visage.

Défiance des tribunaux administratifs?

Quelques jours après l'audience devant le Conseil d 'Etat, la quasi-totalité des maires ont maintenu leur arrêté. Sur BFMTV, le maire de Sisco, en Corse, estimait ne pas être concerné par la décision de la juridiction. A Nice, la municipalité faisait savoir que ses policiers continueraient à verbaliser les femmes portant à Burkini. Dans le Var, aucune mairie n'a cédé. Dans les Alpes-Maritimes, seul le maire de Eze, "par respect pour le Conseil d'Etat" a retiré son arrêté, précise Nice-Matin.

"Tous ces arrêtés, s’ils sont maintenus, vont être attaqués", a averti samedi Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l’Homme qui avait saisi le Conseil d’Etat. "La LDH a d’ores et déjà prévu de demander le retrait de ces différents arrêtés" qui "ne sont pas conformes aux libertés fondamentales". "Les tribunaux peuvent résister au Conseil d'Etat, prévient Me Henri Leclerc, président d'honneur de la LDH, contacté par BFMTV.com. Il ne fait aucun doute que si les tribunaux confirment ces arrêtés, ils soient annulés par la suite sauf en cas de circonstances absolument exceptionnelles."

Des arrêtés bientôt périmés

Se pose alors la question de la réaction des préfectures et du ministère de l'Intérieur ou plutôt l'absence de réaction face à la défiance des maires face à la justice. "Le préfet a un rôle administratif, il pourrait très bien annuler les arrêtés, estime Me Henri Leclerc. Il serait sans doute plus commode que les préfectures le fassent." Le préfet a en effet pour rôle de vérifier la légalité des arrêtés municipaux pris dans sa région. S'il les juge non conformes, il peut déposer un recours gracieux avant de saisir lui-même le tribunal administratif.

Au ministère de l'Intérieur, on explique que la direction des libertés publiques et des affaires juridiques a "demandé aux préfets un état des lieux, comme elle le fait tous les jours sur d’autres sujets". "Il s’agit de savoir si des communes ont pris des arrêtés et s’il y a eu des troubles à l’ordre public constatés", poursuit-on place Beauvau, comme le rapporte Le Monde, qu'on imagine mal à l'aise avec le sujet notamment après la passe d'armes entre Manuel Valls, qui soutient ces arrêtés et certains de ses ministres.

A la Ligue des Droits de l'Homme, on estime que le ministère joue la montre alors que de nombreux arrêtés anti-burkini ne courent pour la plupart que jusqu'au 31 août. Encore jusqu'au mois de septembre pour d'autres. "On a le sentiment qu'on préserve les préfets, analyse le président d'honneur de la LDH. Dans cette affaire, il y a un aspect politique dans lequel il y a des positions très fermes. Bien entendu c'est le droit qui gagne mais parfois les politiques s'arrangent avec le droit."

Justine Chevalier