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Que sont devenues les colonies de vacances?

Une colonie de vacances à Naucelle, dans l'Aveyron, en juillet 2010

Une colonie de vacances à Naucelle, dans l'Aveyron, en juillet 2010 - Rémy Gabalda-AFP

Autrefois populaires et vectrices de mixité, les colonies de vacances ne séduisent plus autant aujourd'hui. Très spécialisées, elles semblent même réservées à une élite.

Les jolies colonies de vacances ont-elles de moins en moins la cote? La baisse de leur fréquentation est continue depuis plusieurs décennies et a même été divisée par trois en soixante ans. 

Des séjours de plus en plus spécifiques

De 4 millions d'enfants qui quittaient le nid familial pour découvrir les joies de la vie en collectivité au début des années 1960, ils n'étaient plus que 1,6 million en 1995. Dix ans plus tard, 500.000 de moins. Et après une légère embellie au début des années 2000, les colos sont reparties à la baisse. Pour la saison 2017-2018, à peine plus de 1,4 million de jeunes ont séjourné en accueils collectifs de mineurs.

"La baisse est conséquente mais elle est à relativiser", nuance pour BFMTV.com Simon Thirot, délégué-général de l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (Unat). Car certains séjours sont pour leur part en hausse. Si entre 2009 et 2018, le nombre de départs en colonie a baissé de 21%, les séjours spécifiques (par exemple artistique ou linguistique) ont augmenté de 26% et ceux de moins de cinq jours ont explosé de 67%, selon une récente analyse de l'Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes.

"Nous ne sommes plus sur le modèle unique de la colonie de vacances où l'on envoyait les enfants quinze jours, analyse Simon Thirot. La famille évolue, tout comme les envies des enfants. Les colonies évoluent aussi."

En moyenne 800 euros la semaine

Un sondage Ifop réalisé au printemps pour l'association La Jeunesse au plein air confirme que la fréquentation des colonies de vacances n'est plus une pratique de masse. Seul un quart des enfants âgés de 7 à 12 ans ont déjà expérimenté ce type de séjour.

Principal frein à la colo: l'investissement financier qu'elle représente pour les parents. Le coût du séjour demeure en effet la première raison pour laquelle ces derniers ne choisissent pas ce type de vacances. "Signe qu'il s'agit d'une pratique conditionnée en partie par le milieu social d'appartenance, les enfants des catégories socio-professionnelles supérieures apparaissent plus nombreux à en avoir fait l'expérience", pointe le sondage.

Un écart de prix qui peut s'étendre de un à huit, a constaté Cyril Dheilly, doctorant en sciences de l'éducation à l'Université de Rouen-Normandie et spécialiste du sujet. "Cela explique le désamour, indique-t-il à BFMTV.com. Ces colos devenues onéreuses finissent par segmenter les publics. Au détriment des enfants des classes les plus populaires. Aujourd'hui, elles tirent plus vers le tourisme que le loisir." 

Yves Raibaud, maître de conférence à l'Université Bordeaux-Montaigne et chercheur au CNRS, a calculé le coût moyen d'une semaine de colonie et l'estime à 800 euros. "Cela peut aller de 400 euros pour les moins chères, proposées par des associations, à 1200 euros dans le cadre d'un séjour linguistique", assure-t-il à BFMTV.com.

Des inégalités renforcées

Plusieurs facteurs expliquent cette évolution des prix à la hausse. D'abord la mise aux normes coûteuse des infrastructures, causant la fermeture de nombreuses colonies, mais aussi la baisse des dotations des collectivités. Yves Raibaud, auteur de La Ville faite par et pour les hommes, pointe également des choix politiques. "Cela a servi de prétexte aux mairies pour réaliser une bonne opération de spéculation immobilière en liquidant ces bâtiments. Et puis la tendance générale des politiques publiques est de se désinvestir."

Pour Simon Thirot, de l'Unat, ces prix à la hausse s'expliquent aussi par les nécessités d'encadrement de qualité et de transport. "Les opérateurs, qui sont souvent des associations et ne génèrent pas de profit, font de gros efforts et tentent de trouver le prix le plus juste. Entre un séjour à la campagne l'été ou à la montagne l'hiver, le coût n'est pas le même."

À l'origine, le modèle des colonies se veut intégrateur, vecteur de mixité et de citoyenneté. "Après la Seconde Guerre mondiale, la volonté était d'emmener tous les enfants en vacances, rappelle Yves Raibaud, spécialiste de la géographie du genre. Mais à partir des années 1980, ce modèle a cédé le pas et les colonies se sont livrées à une compétition de plus en plus grande pour attirer les enfants des familles solvables." Creusant ainsi le décalage entre classes populaires et celles plus favorisées.

"Pour les familles les plus aisées, les loisirs doivent instruire. Avec des séjours spécialisés sur l'astronomie, les mathématiques ou encore à l'étranger, ces enfants voient leurs compétences scolaires renforcées. On est très loin du modèle égalitaire d'origine."

Un "pass-colo"

Alors que chaque année quelque 3 millions d'enfants ne partent pas en vacances, Simon Thirot voit dans la colo une réponse à un problème de société. "On peut trouver dans l'éducation populaire une solution d'avenir pour faire partir plus d'enfants en vacances dans un cadre émancipateur. Découvrir l'autonomie, la mixité, la vie en collectivité, partir sans ses parents, cela permet aussi de se construire dans son rapport à l'autre."

Il plaide, comme l'a proposé le Haut Conseil de la famille, pour la mise en place d'un "pass-colo" d'une valeur de 200 euros pour ces enfants privés de vacances. Le délégué-général de l'Unat évoque également d'autres pistes, comme la défiscalisation de ces frais pour les foyers les plus modestes qui sont néanmoins imposables. Mais selon lui, le principal enjeu reste une meilleure information. "Il faudrait surtout que les aides qui existent, comme celles de la Caf, des comités d'entreprises avec les chèques-vacances ou des collectivités, soient mieux connues et plus utilisées."

Car si certains enfants rechignent dans un premier temps à l'idée de quitter leur famille, une fois qu'ils ont goûté à ce vent de liberté, ils en redemandent. La colonie de vacances reste en effet largement plébiscitée par ceux qui la fréquentent: neuf jeunes sur dix l'ont appréciée, selon le même sondage Ifop, et plus de la moitié souhaitent repartir. 

Céline Hussonnois-Alaya