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Société

Prunier veut démocratiser le caviar

Remettre le caviar à la mode, en ces lendemains de crise : c'est l'audacieux défi de Prunier, vénérable maison parisienne spécialiste des précieuses perles noires depuis près d'un siècle. /Photo prise le 19 novembre 2010/REUTERS/Charles Platiau

Remettre le caviar à la mode, en ces lendemains de crise : c'est l'audacieux défi de Prunier, vénérable maison parisienne spécialiste des précieuses perles noires depuis près d'un siècle. /Photo prise le 19 novembre 2010/REUTERS/Charles Platiau - -

par John Irish et Elizabeth Pineau PARIS (Reuters) - Remettre le caviar à la mode, en ces lendemains de crise : c'est l'audacieux défi de Prunier,...

par John Irish et Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - Remettre le caviar à la mode, en ces lendemains de crise : c'est l'audacieux défi de Prunier, vénérable maison parisienne spécialiste des précieuses perles noires depuis près d'un siècle.

Propriété de l'homme d'affaires Pierre Bergé depuis 2001, Prunier vient de baisser de 40% le prix de son caviar "tradition". Il faut désormais débourser 185 euros pour s'offrir une boîte noire de 125 grammes marquée d'un esturgeon doré stylisé, signature de la maison.

Soit 1.480 euros le kilo. Cher, mais loin des extravagances d'un caviar de béluga à 12.000 euros les mille grammes.

"Notre volonté est de faire découvrir le caviar à une clientèle plus jeune et plus large, de le faire revenir sur les tables", dit Nicolas Barruyer, directeur du restaurant Prunier. "Comme le diamant ou le champagne, le caviar, c'est apporter un point d'exclamation aux événements joyeux de la vie".

Le caviar, c'est le produit-phare de Prunier. Une maison aussi célèbre pour son restaurant dont la carte dédiée aux produits de la mer et le décor Art Déco classé attirent depuis 1924 une clientèle élégante à deux pas de l'Arc de Triomphe.

DU CAVIAR À L'AÉROPORT

C'est aussi la seule maison au monde à produire elle-même son caviar dans le sud-ouest de la France. Cinq tonnes devraient sortir cette année de ses élevages d'esturgeons installés en Dordogne depuis 20 ans. (voir

La folie du caviar a failli avoir raison du poisson roi de la mer Caspienne, conduisant les autorités à interdire l'exportation du caviar sauvage en 2006. Devenue spécialiste de l'élevage d'esturgeons, la France est désormais le plus gros exportateur européen, à raison de 15 à 20 tonnes par an.

Via la holding Caviar House, le caviar Prunier est présent dans 60 boutiques sur quatre continents, notamment dans les aéroports de Londres et New York, où l'on peut déguster un toast de caviar arrosé d'une coupe de champagne entre deux vols.

Au restaurant Prunier, dans la salle d'une cinquantaine de couverts ornée de marbre, d'acajou et de mosaïques évoquant crustacés et vaguelettes, les clients savourent des mets marins dans une atmosphère chaleureuse et iodée.

Avocats et hommes d'affaires affluent à midi ; la clientèle est plus glamour le soir.

Chef du lieu depuis 2005, Eric Coisel a fait sienne la maxime d'Emile Prunier : "Tout ce qui vient de la mer".

Sa sole meunière est réputée, comme son filet d'esturgeon. Il sait aussi mettre une généreuse cuillérée de caviar sur un écrasé de pommes de terre ou préparer un "oeuf Christian Dior", accompagné d'une quenelle d'oeufs d'esturgeon.

Sa cuisine "correspond à la philosophie du lieu : un luxe simple, de bons produits, des plats pas trop 'nouvelle cuisine'", explique le professionnel natif de Normandie.

Derrière lui, au bar, un écailler en tablier bleu prépare de somptueux plateaux de fruits de mer et ouvre des huîtres rares, récoltées jusqu'au Danemark.

Des casseroles en cuivre des cuisines aux sucriers en argent en passant par le sourire du serveur "heureux de travailler dans un lieu où l'on découpe encore un poisson devant les clients", tout respire la tradition et le luxe discret.

PETIT VILLAGE GAULOIS

Prunier a senti passer la crise : il ne fait pas bon, ne serait-ce qu'en terme d'image, déjeuner dans un restaurant de caviar quand les temps sont durs. "Certains clients passaient par la porte de service", confie Nicolas Barruyer.

L'orage passé, Prunier fait figure d'exception à l'heure des grandes chaînes et de la mondialisation qui font tomber nombre d'enseignes du luxe parisien entre des mains étrangères.

"On peut tenir grâce à la holding, grâce à notre patron qui fait des choix sans concession. Si on doit être le petit village gaulois, on espère l'être le plus longtemps possible, parce qu'on a une philosophie à transmettre, et un établissement magnifique", dit Nicolas Barruyer.

Si Prunier "n'est pas une affaire forcément rentable, elle peut l'être au niveau de l'image, de l'énergie et des émotions proposées", ajoute l'hôtelier passé par le Café de la Paix et celui de Flore avant d'atterrir chez Prunier il y a six ans.

Il participé à la création du Café Prunier, succursale du restaurant installée place de la Madeleine, Mecque mondiale du caviar, à l'instar de la place Vendôme pour les joaillers.

Edité par Yves Clarisse