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Société

Pour ou contre les « salles de shoot » ?

La ministre de la Santé milite pour la mise en place de « centres de consommation supervisés » de drogue dans le cadre d'une « politique de réduction des risques »

La ministre de la Santé milite pour la mise en place de « centres de consommation supervisés » de drogue dans le cadre d'une « politique de réduction des risques » - -

Le débat s'intensifie sur l'opportunité d'ouvrir, comme le souhaite Roselyne Bachelot contre l'avis du Premier Ministre, des salles d'injections de drogues contrôlées. Avis d'experts.

Les salles de consommation de drogues ne sont « ni utiles, ni souhaitables », a affirmé hier Matignon. « La priorité de Matignon est de réduire la consommation de drogue, non de l'accompagner, voire de l'organiser », a affirmé à l’AFP le bureau du Premier ministre, François Fillon.
Hier, mercredi, lors d’un déplacement à Bayonne, Roselyne Bachelot avait réaffirmé son intérêt pour la mise en place de « centres de consommation supervisés » de drogue dans le cadre d'une « politique de réduction des risques ».
La secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, a appelé également hier à ouvrir le débat sur ces salles : « C'est vrai que dans la lutte contre la drogue et contre la toxicomanie, on doit utiliser tous les outils qui nous permettront de réussir. Le recours à ce type de salles peut en être un ».

Droite et gouvernement divisés

Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire (UMP) de Marseille, s'est réjoui que Bachelot soit « sur la même ligne » que lui. « A Marseille, c'est le maire le patron, pas l'UMP », a-t-il insisté, laissant entendre que la ville pourrait autoriser des expérimentations contre le souhait du gouvernement.
Côté PS, on soutient le projet : « le Parti socialiste est favorable à ce qu'on expérimente des lieux où les toxicomanes puissent prendre leurs substances dans des conditions de contrôle médical », a affirmé au nom du parti Christophe Borgel, secrétaire national chargé des élections. Les Verts et le Modem sont aussi pour l’expérimentation de ces salles.
Mais le secrétaire général de l'UMP et ancien ministre de la Santé (2005 à 2007) s'est dit hier fermement opposé aux salles de consommation de drogue. « Ces salles seraient un très mauvais signal ».
Pour Marine Le Pen, « le gouvernement est en plein délire. Le soutien apporté par la ministre de la Santé à l'ouverture de salles d'injection de drogues est aussi irresponsable que révélateur ».

Un lieu de soins et sevrage

Pierre Chappard, est le président d’Act Up et responsable de l’association « Asud », une association qui représente des usagers de drogues. « La position de Matignon va complètement à l’encontre de l’avis du terrain, des addictologues, des associations. J’ai l’impression que l’on revient 20 ans en arrière, lorsqu’on ne pouvait pas distribuer du "matériel propre" aux drogués. Il faut que les gens comprennent que ces salles sont avant tout un lieu d’accès aux soins pour les plus vulnérables. A Vancouver, après l’ouverture de la salle de drogue supervisée a ouvert, les demandes de sevrage dans la ville ont augmenté de 30 %. »
Sylvain Garel, est le président du groupe Verts au conseil de Paris, élu du 18ème arrondissement. « Les salles d’injections sont absolument indispensables. C’est un moyen de sortir de la consommation de drogue de nombreuses personnes à la dérive. C’est aussi un moyen pour les riverains qui vivent dans les quartiers des scènes de drogue de retrouver un peu de tranquillité. Je vous assure que quand vous rentrez chez vous et que vous voyez dans votre cage d’escalier quelqu’un avec une seringue dans le bras, c’est un spectacle pas très réjouissant. »
Laurent El Ghozi est médecin hospitalier, président de l'association Elus santé publique et territoire. Il milite pour l'ouverture des salles de consommation. Comment juge-t-il l’avis rendu par Matignon ? « Ça ne va pas faciliter les choses. Mais Matignon, ce n’est pas la Bible. Encore une fois sur le plan légal et réglementaire, ces salles sont un des éléments de la réduction des risques et rien ne permet de les condamner sur le plan judiciaire. On est dans une opposition entre des convictions philosophiques et éthiques et une attitude pragmatique et humaniste. »

Une faillite irresponsable de la lutte anti-drogue

Bernard Debré est chirurgien urologue et député de Paris. Il est farouchement contre ces salles de consommation : « Déjà on pourrait se poser la question de savoir pourquoi on laisse les enfants, les majeurs se droguer ? Est-ce que c’est autorisé ? non ! Pourquoi dans ce pays, lorsqu’on ne peut pas faire appliquer la loi, on va mettre des salles pour qu’on puisse tranquillement dans un coin, se shooter. C’est pas parce qu’on arrive pas correctement à lutter contre la drogue, qu’il faut l’autoriser. Il faut bien savoir ce que ça signifie : injecter un produit de mort. Qui va être responsable des morts dans les salles de shoot ? Quand il y aura une overdose, on va mettre un service municipal spécial ? Ensuite, ça donne quitus à tous les dealers : prenez ça et allez dans la salle d’injection. C’est le premier pas vers l’autorisation de toutes les drogues ! »

La rédaction avec Nicolas Marsan