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Pour la Cour des comptes, il "n'est plus pertinent" de maintenir telle quelle l'opération Sentinelle

La cour explique dans un rapport que la menace terroriste a aujourd'hui changé, et qu'il serait selon elle plus juste que cette mission soit confiée aux policiers ou aux gendarmes.

La Cour des comptes a estimé lundi qu'il n'était "plus pertinent" de confier à l'armée l'opération anti-terroriste "Sentinelle", mise en place en 2015, recommandant un "transfert progressif aux forces de sécurité intérieures". Les magistrats de la cour relèvent également dans le rapport dédié que la menace terroriste en France a changé de nature.

Liée à sa création à "la projection d'attaques depuis le Levant", cette menace est "devenue endogène" venant d'individus isolés qui ne sont "pas nécessairement affiliés à une organisation terroriste".

Transférer cette charge vers les policiers et gendarmes

Le dispositif Sentinelle, déployé au lendemain des attentats de janvier 2015 pour protéger les "points sensibles" du territoire, avait atteint les 7000 hommes entre 2015 et 2017. Les effectifs sont montés à 10.000 par deux fois, avant de redescendre à 3000 soldats. Le coût complet de l'opération est évalué par le rapport à plus de 3 milliards d'euros.

Mais, les militaires, "qui ne disposent ni du renseignement intérieur, ni de pouvoirs de police, ni des armements appropriés en zone urbaine, peuvent ne pas paraître les mieux placés", estime la cour.

La cour relève qu'il "ne devrait être recouru aux armées que lorsque les moyens de l'autorité civile sont estimés indisponibles, inadaptés, inexistants ou insuffisants". Or, "le recours aux armées n'a pas été un choix par défaut mais un choix délibéré (...). Il ne s'agissait pas de renforcer des forces de sécurité défaillantes mais de montrer qu'à des attaques aussi agressives, la France répondait avec ses soldats".

En ce sens, la Cour des comptes "recommande de transférer cette charge des militaires vers les policiers et les gendarmes dont c'est le métier", explique Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique de BFMTV.

La situation internationale a changé

"Pendant ce temps, les militaires ne font pas leur métier, ne se forment pas. Or la Cour des comptes remarque que le contexte international est beaucoup plus tendu qu'avant, qu'il y a des incertitudes", ajoute l'éditorialiste.

L'organe financier relève en effet que sur fond de guerre en Ukraine, "la situation internationale actuelle conduit la France à intégrer le scénario d'un engagement majeur en coalition" dans un conflit de haute intensité. Un scénario qui "nécessiterait une réduction conséquente des engagements au titre de Sentinelle".

Il estime donc qu'il appartient aux "forces de sécurité intérieure de reprendre des secteurs d'activité qui leur reviennent en priorité et pour lesquels elles sont mieux équipées qu'en 2015". De 2015 à 2021, l'opération Sentinelle a vu se succéder près de 225.000 militaires français, appartenant pour 95 % d'entre eux à l'armée de Terre, précise la cour.

Quelle réaction du gouvernement?

Face à ce constat, le gouvernement ne réagit "pas bien. Comme par hasard, le jour même de la publication du rapport, lors d'un déplacement à Lyon [la Première ministre] Élisabeth Borne s'est affichée avec des soldats de Sentinelle", souligne Matthieu Croissandeau.

"Les militaires de l’opération Sentinelle veillent, dissuadent et protègent en toutes circonstances, en appui des forces de sécurité intérieur", a en effet tweeté la Première ministre lundi.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a de son côté "insisté sur la complémentarité de l'action des forces de sécurité intérieures et militaires" dans une réponse, ajoute l'éditorialiste, "pas question pour lui de désarmer". Le ministre écrit également à la fin de son message: "Attention à ne pas tirer des conclusions hâtives sur la menace terroriste".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon avec AFP Journaliste BFMTV