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Pitbull du Havre: comment la loi encadre les chiens dangereux

Pitbulls jouant avec une corde.

Pitbulls jouant avec une corde. - Michal Cizek - AFP

INFOGRAPHIE - Une fois de plus, des enfants ont été les victimes d'un pitbull, un animal classé parmi les "chiens dangereux" dans la loi de 1999.  Comment fonctionne cette réglementation et comporte-t-elle des failles? Eléments de réponses.

Dimanche au Havre, un "pitbull" a attaqué quatre enfants et adolescents et a mordu gravement trois d'entre eux. Ce drame s'ajoute à bien d'autres cas de morsures sévères, voire mortelles. Or, depuis la loi de 1999, une classification des "chiens dangereux" a été instaurée, qui se fonde sur des critères raciaux et morphologiques. Les molosses sont ainsi classés en catégorie I (chiens d'attaque) ou catégorie II (chiens de garde et de défense).

Le législateur tente de mieux prévenir ces attaques, en renforçant régulièrement la réglementation en vigueur. Ainsi, l'"évaluation comportementale" introduite par une loi de 2008 détermine la dangerosité du chien, tandis que les maîtres ont l'obligation de se former (une journée) pour acquérir une "attestation d'aptitude" ouvrant droit à l'obtention d'un "permis de détention" obligatoire, si toutes les autres exigences légales sont par ailleurs remplies. A l'évidence, les garanties imposées par la loi ne valent... que si celle-ci est appliquée.

Que dit la législation sur les "chiens dangereux?

Si tous les chiens sont potentiellement dangereux, seules cinq races sont concernées par cette législation très restrictive: Staffordshire terrier ou American Staffordshire terrier (chiens dits pitbulls), Tosa, Mastiff et Rottweiler (ou assimilés).

L'infographie ci-dessous rappelle brièvement la législation au sujet des "chiens dangereux" ou "de catégories" telles que définies par la loi.

La ventilation entre ces deux catégories ne se fait tant selon la race, qu'en fonction du LOF (Livre des Origines Français) de l'animal. L'origine certifiée du chien, sa lignée et son pedigree jouent donc en sa faveur. "C'est un paradoxe logique", explique Valérie Dramard, vétérinaire comportementaliste, "que les 'chiens dangereux LOF'", c'est-à-dire ceux dont la lignée raciale est la plus certifiée, "soient réputés moins dangereux que d'autres, non-LOF". Mais ce paradoxe n'est qu'apparent, relativise la spécialiste, car cette certification de naissance ne prend pas uniquement en compte des critères raciaux ou des caractéristiques physiques, mais aussi les conditions d'élevage et de sociabilisation des chiens en question.

Ainsi, "séparés avant leurs deux mois de leur mère", autrement dit bien trop tôt, certains chiens développeront plus certainement un comportement agressif. Au même titre que la sélection des animaux les plus agressifs pour la reproduction, ce sevrage prématuré est une manière d'augmenter la dangerosité des chiens d'attaque.

Le pitbull au Havre n'était ni tenu en laisse, ni muselé

L'une des règles qui s'appliquent aux pitbulls est qu'ils doivent être tenus en laisse et muselés quand leur maître, majeur et capable, les promène sur la voie publique. Or, dans le cas des morsures de dimanche, le chien, dont on peut penser qu'il a échappé à la vigilance de son maître, (l'enquête dira s'il s'agit ou non de négligence, mais quatre personnes ont été placées en garde à vue lundi après-midi), errait en toute liberté et donc en toute illégalité sur la voie publique.

Le sort de l'animal, qui a été emmené à la fourrière est maintenant entre les mains des services vétérinaires qui vont apprécier sa dangerosité et peut-être conclure à la nécessité de l'euthanasier. "Cette dangerosité est établie selon une échelle qui va de 1 à 4, 4 étant le signe d'un danger immédiat", explique Valérie Dramard. Eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés, "ça semble mal parti" pour ce pitbull, prédit la spécialiste.

Pourquoi ces chiens sont-ils si dangereux?

Le premier paramètre à prendre en compte est la force de morsure dont est capable le chien. Pour résumer, plus celui-ci est "de grande taille, musclé", plus il possède "une mâchoire courte" et "plus cette force de morsure sera grande". L'autre paramètre à prendre en compte est de savoir si le chien "garde le contrôle" de sa morsure ou non. C'est toute la différence entre un "pincement" et une "morsure grave", explique la spécialiste du comportement animal. Les chiens "pas ou mal socialisés" ainsi que ceux "dressés pour l'attaque" à qui leur entraînement leur a fait perdre "l'inhibition de la morsure", sont les plus dangereux.

Mais, nuance Valérie Dramard, hors des chiens visés par la loi, "d'autres chiens de grande taille, comme les bergers allemands, les dogues allemands, les labradors, peuvent aussi causer de graves morsures avec des dégâts très comparables".

Pourquoi alors certains molosses, les pitbulls au premier chef, sont-ils concernés par la législation et non d'autres chiens puissants? C'est simple, la "loi de 1999 était une réponse politique à certains problèmes rencontrés dans les banlieues", explique la vétérinaire. Et de rappeler que certains de ces chiens, pourtant interdits, "sont dressés pour le combat ou l'attaque".

David Namias et Olivier Laffargue