BFMTV
Société

PIP utilisait un gel non conforme depuis le début, dit un avocat

La majorité des implants mammaires fabriqués par Poly Implants Prothèses (PIP) contenaient un gel non conforme à la réglementation dès la création de la société en 1991, reconnaît son avocat Me Yves Haddad, qui insiste sur l'interdiction tardive prononcée

La majorité des implants mammaires fabriqués par Poly Implants Prothèses (PIP) contenaient un gel non conforme à la réglementation dès la création de la société en 1991, reconnaît son avocat Me Yves Haddad, qui insiste sur l'interdiction tardive prononcée - -

par Marc Joanny et Jean-François Rosnoblet TOULON, Var (Reuters) - La majorité des implants mammaires de la société PIP contenaient un gel non...

par Marc Joanny et Jean-François Rosnoblet

TOULON, Var (Reuters) - La majorité des implants mammaires de la société PIP contenaient un gel non conforme à la réglementation dès la création de la société en 1991, a reconnu mardi son avocat, qui insiste sur l'interdiction tardive prononcée par l'autorité de contrôle.

Me Yves Haddad, avocat de Poly Implants Prothèses (PIP), en liquidation judiciaire après l'interdiction de ses produits à la commercialisation en mars 2010, s'interroge aussi sur le silence des chirurgiens qui ont procédé à la pose de ces prothèses.

"Il y a un produit fabriqué par la société PIP qui n'a pas reçu formellement l'agrément et, à ce titre, il y a une infraction à la réglementation", a-t-il déclaré à Reuters lors d'un entretien à son cabinet de Toulon.

"La société PIP n'a pas demandé l'agrément. Ils ne l'ont pas fait certainement par négligence car ils l'auraient reçu, c'est sûr", dit-il en citant une analyse commandée en 2007 par l'entreprise à la société d'étude sur les polymères Catalyse, montrant, selon lui, que les caractéristiques du "gel maison" étaient proches de celle du gel certifié, Nusil.

"Ils fabriquaient leur produit dans les locaux de la société elle-même, à mon avis depuis toujours, depuis l'origine de la société", a-t-il poursuivi.

Les protagonistes de cette affaire devraient se retrouver avant fin 2012 au centre d'un procès pour "tromperie aggravée", mais aussi d'une instruction judiciaire ouverte pour "blessures et homicide involontaire".

PIP, implanté à la Seyne-sur-Mer dans le Var, produisait toutefois deux types d'implants mammaires, selon Yves Haddad, des "prothèses simples" avec le gel maison et des "prothèses croisées" avec du gel certifié. La production de deux types d'implants s'expliquait par des considérations économiques.

UN PRODUIT D'APPEL

"La société PIP employait plus de 120 salariés, elle avait des obligations de chiffres et de résultats", explique Yves Haddad, selon qui le "gel maison" était "aussi efficace mais cinq fois moins cher".

"Il y avait un produit d'appel (...) et un produit haut de gamme pour les gens du XVIe (arrondissement de Paris-NDLR) par exemple", dit-il.

Selon PIP, le taux de réclamation sur ses implants n'était pas plus important que chez ses concurrents et "ne dépassait pas 1,21% (des cas)", souligne-t-il.

Yves Haddad, avocat de PIP depuis quatre à cinq ans, dit être intervenu dans un premier temps pour gérer les contentieux de l'entreprise avec ses clients.

Il intervenait pour signer des protocoles d'accord avec des femmes et des chirurgiens pour payer l'explantation et la réimplantation de prothèses défectueuses.

"C'était ce qui était dans le contrat donc on le payait", déclare-t-il, ajoutant que les montants payés n'ont jamais dépassé 1.500 à 2.000 euros.

Il souligne que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) n'a procédé à aucun contrôle avant mars 2010 et que son intervention s'est faite à la suite d'une lettre anonyme dénonçant l'utilisation de produits interdits.

Pour Yves Haddad, la question que l'on pourrait poser à l'Afssaps c'est de savoir si des contrôles avaient été réalisés avant cette dénonciation anonyme.

LE SILENCE DES CHIRURGIENS

"Est-ce que l'Afssaps n'avait pas des relations permanentes avec la responsable qualité de PIP ?", s'interroge l'avocat qui ajoute : "La réponse est oui". Il met aussi en avant le recours par la société à un organisme chargé de contrôler de qualité.

Tüv, société allemande, était selon lui payée par PIP pour vérifier la qualité des produits et cette société émettait des rapports "qui étaient vraisemblablement transmis à l'Afssaps".

Si des produits étaient fabriqués avec du gel non conforme, l'Afssaps "n'avait pas le droit de l'ignorer. Si elle l'ignorait c'est qu'elle est négligente", estime l'avocat.

Yves Haddad appelle aussi les médecins à s'exprimer.

"Ce sont quand même les chirurgiens qui ont implanté ces prothèses mammaires dans le corps des femmes, ils devraient intervenir un peu plus pour dire quel est leur sentiment et quelle est leur position", estime Yves Haddad.

Interrogé sur le silence du président fondateur de PIP, Jean-Claude Mas, depuis l'amplification de l'affaire, l'avocat déclare : "Il s'exprimera devant la justice".

Confirmant la présence de son client dans les environs de la Seyne-sur-Mer, Yves Haddad le décrit comme un "homme usé". Il confirme qu'il a été opéré à la suite d'un accident cardio-vasculaire et qu'il a subi une lourde intervention aux jambes.

Jean-Claude Mas, âgé de 72 ans, "est quelqu'un qui s'est fait lui-même, c'est quelqu'un qui a de l'autorité, qui est l'âme même de la société PIP".

"Il n'est pas docteur ni en médecine, ni en sciences, mais c'est quelqu'un qui a cette intelligence d'esprit qui peut faire certains génies. Avec tout ce qui découle de cela."

Edité par Yves Clarisse