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Pédocriminalité: la réunion des évêques de France s'ouvre sous le regard attentif des victimes

Déçus que la semaine ne soit pas consacrée au rapport Sauvé, aucune association de victimes ne participera à l'assemblée. Elles attendent des réponses concrètes de l'Église.

Les évêques de l'Église catholique se retrouvent ce mardi à Lourdes pour leur réunion annuelle, largement consacrée aux suites à donner au rapport choc de la commission Sauvé sur l'ampleur de la pédocriminalité dans l'institution.

Les associations et collectifs de victimes espèrent des réponses concrètes alors que la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) a estimé que, depuis 1950, 216.000 mineurs ont fait l'objet de violences ou d'agressions sexuelles de la part de clercs ou de religieux. Le rapport estime à environ 3000 le nombre de prédateurs impliqués en 70 ans.

Un "temps" pour examiner le rapport Sauvé

En réponse, pendant sept jours, quelque 120 prélats consacreront près de la moitié de leurs travaux à "la lutte contre les violences et les agressions sexuelles sur mineur", selon le programme remis à la presse. Initialement prévue sur six jours, l'assemblée s'ouvre donc un jour plus tôt pour un "temps et un travail de réception" du rapport Sauvé.

Mardi matin, après avoir été accueillis par le président de la Conférence des évêques, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, les participants ont fait "une pause de silence en mémoire des victimes". Certains d'entre eux se sont recueillis face à la grotte où, selon la tradition catholique, la Vierge Marie est apparue à Bernadette Soubirous en 1858. Ils se sont ensuite réunis à nouveau à huis clos pour commencer à examiner le rapport Sauvé.

Les collectifs et associations de victimes déçues

Si quelques victimes ont été invitées à Lourdes, seule une poignée fera le déplacement. Aucun des collectifs et associations qui les représentent n'y sera présent, regrettant que le rapport Sauvé ne soit pas le sujet unique de l'assemblée.

Lorsqu'il avait 10 ans, Jean-René a été victime d'attouchements sexuels de la part d'un prêtre durant un séminaire. Aux évêques, il voudrait dire: "arrêtez de vous regarder le nombril, écoutez les victimes".

"Je ne pardonnerai jamais ce qu'on m'a fait et toute la chape de plomb qui est tombée dessus pour protéger" le prêtre responsable, affirme-t-il.

"La responsabilité institutionnelle de l'Église"

Les associations sont nombreuses à estimer que la réponse de l'Église est insuffisante face à la souffrance des victimes. Dans un communiqué publié fin octobre, le collectif des victimes de violences sexuelles dans l'Église de Vendée fustigeait "la lenteur consternante" des évêques de France.

"L'Église est ultra silencieuse sur tout ça et ça les arrange bien qu'on soit, nous aussi, des victimes silencieuses parce qu'on est incapables de parler", constate Emmanuel Bailhache, victime d'abus sexuel par un homme d'Église. Interrogé sur BFMTV, il fustige le "déni" de l'Église: "Je me suis entendu dire par des évêques que ce que je racontais était faux, c'est comme si c'était un second viol que j'étais en train de vivre." Et l'Église est "très très peu pro-active pour faire avancer le sujet", regrette Emmanuel Bailhache.

"Il n'y a eu pour l'instant aucun évêque qui a reconnu la responsabilité institutionnelle de l'Église", abonde François Devaux, cofondateur du collectif "De la parole aux actes". Pourtant, le constat des catholiques français est amer.

Les deux tiers des catholiques français ne font pas confiance à l'Église sur la protection des mineurs et 76% estiment que la réaction de la hiérarchie catholique n'a pas été "à la hauteur de ces révélations sur les violences sexuelles dans l'Église, selon un sondage Ifop publié fin octobre.

Les indemnisations, "pas un don, mais un dû"

"On n'a pas bien l'impression que les évêques aient bien compris qu'ils sont assis sur un baril de poudre", souffle François Devaux.

Il faut qu'ils "arrêtent le silence, arrêtent le déni et soient enfin dans une démarche proactive pour éviter que ça continue", martèle Emmanuel Bailhache. Les questions de "responsabilité" de l'Église mais aussi du dispositif financier permettant de verser, à l'avenir, une contribution aux victimes, seront à l'étude pendant cette conférence, et même parmi "les priorités" de cette rencontre, selon l'épiscopat.

L'indemnisation des victimes qui pourrait atteindre 2 milliards d'euros. Mais ça reste insuffisant aux yeux de Jean-René.

"Je ferais le maximum pour qu'ils payent mais cet argent j'en ferai don à des associations de protection à l'enfance", explique-t-il regrettant que "l'Église parle de faire des dons aux victimes". "On n'en veut pas. C'est pas un don, c'est un dû", s'exclame-t-il.
Diane Regny