BFMTV
Société

Patrick Lozès prend le parti des minorités

BFMTV
par Patrick Vignal PARIS (Reuters) - Patrick Lozès sait très bien qu'il ne deviendra pas l'an prochain le Barack Obama français. Le président du...

par Patrick Vignal

PARIS (Reuters) - Patrick Lozès sait très bien qu'il ne deviendra pas l'an prochain le Barack Obama français.

Le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) n'en espère pas moins que sa candidature à la présidentielle de 2012 permettra de lutter contre la montée de l'intolérance qu'il observe dans la société française.

Cet ancien membre du conseil national de l'UDF, qui s'est vu confier plusieurs missions par le gouvernement actuel, se définit clairement comme un déçu du "sarkozysme".

"Je suis candidat parce qu'il y a une urgence", déclare ce docteur en pharmacie de 46 ans dans un entretien à Reuters.

"L'UMP déçoit sur les questions de la diversité. Nicolas Sarkozy devait les porter et les a conduites dans une impasse. Toutes les promesses qu'il a faites concernant la diversité, il ne les a pas tenues. Et en face, on a la gauche qui ne répond pas non plus aux attentes des minorités."

Né au Bénin alors que ce pays s'appelait encore le Dahomey, Patrick Lozès estime que les thèses de l'extrême droite progressent dans un pays qu'il a rejoint à l'adolescence.

"Les idées du Front national infusent la société française" dit-il. "La lepénisation des esprits est presque partout."

Ce militant associatif de longue date déplore une "libération de la parole intolérante", illustrée selon lui par l'affaire des quotas qui secoue le football français et les propos "atrocement scandaleux" prononcés lors d'une réunion de la Direction technique nationale (DTN) en novembre dernier.

PARCOURS DU COMBATTANT

"Ce qui se passe à la tête de l'équipe de France est symbolique de ce qui se passe dans l'ensemble de la société française", déplore-t-il.

Premier candidat noir à s'engager principalement sur ce thème de la défense des minorités - la députée de Guyane, Christiane Taubira, s'était lancée dans la course en 2002 mais elle représentait les radicaux de gauche du PRG - Patrick Lozès est conscient du parcours du combattant qui l'attend.

Convaincre 500 élus de lui accorder les fameuses signatures nécessaires pour concourir en 2012 sera "très difficile mais pas insurmontable", dit-il. "Gérard Schivardi (un trotskyste-NDLR) y est bien parvenu (en 2007). Pourquoi pas moi ?."

Il lui faudra ensuite collecter l'argent nécessaire à sa campagne, "de 800.000 euros à un million d'euros", selon son estimation. Un site internet est prévu pour recueillir les dons mais il sait qu'il devra largement la financer lui-même.

Ses revenus proviennent d'une société de conseil, à l'intention principalement des entreprises pharmaceutiques, explique-t-il, vêtu d'un élégant costume-cravate, dans le bureau à moitié vide - un table et deux chaises, un ordinateur portable et quelques livres posés sur une étagère - qu'il occupe dans un quartier chic du centre de Paris.

Partisan d'une "action positive" pour favoriser l'intégration, il pense que la pédagogie est la meilleure façon de réconcilier l'ensemble des Français.

TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS

Patrick Lozès, dont le père, Gabriel, fut sénateur en France sous la IVe République avant d'occuper plusieurs fonctions ministérielles au Dahomey, a débarqué en France à l'âge de 14 ans, après la séparation de ses parents.

"Par un froid matin de 1979", il arrive avec sa mère à Creil (Oise), où il fait l'expérience du racisme ordinaire.

Au collège, un professeur demande aux élèves de sa classe d'expliquer ce qu'ils imaginent à l'écoute de certains passages de musique classique.

"Ce professeur ne m'interrogeait jamais", raconte Patrick Lozès. "Un jour, n'y tenant plus, je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu: 'qu'est-ce que tu pourrais y comprendre ? ce n'est pas ta musique.' J'ai senti le sol se dérober sous mes pieds."

Mais l'origine de son engagement, ajoute-il, provient plutôt de son père, tirailleur sénégalais pendant la Seconde Guerre mondiale, qui fut mis aux arrêts pendant six mois pour avoir refusé de porter la fameuse chéchia rouge distinctive de son régiment et popularisée plus tard par la marque de boisson chocolatée Banania.

"Cette histoire de chéchia, c'est l'une des clés de mon parcours personnel", confie-t-il.

Patrick Lozès, qui s'embarquera bientôt dans un tour de France à la recherche des fameuses 500 signatures, raconte son histoire dans un livre, "Candidat. Et pourquoi pas ?", à paraître jeudi aux Editions du Moment.

S'il est conscient qu'il ne suivra pas les traces de Barack Obama, il estime cependant que la France, malgré tout, est désormais prête à accorder ses faveurs à un candidat différent.

"Je pense que nos concitoyens sont prêts aujourd'hui à élire un candidat compétent quelles que soient son apparence, la couleur de sa peau ou sa religion", dit-il.

"Encore faut-il qu'on ne les entraîne pas à penser que ces Français-là ne sont pas de vrais Français. C'est tout l'enjeu de l'élection présidentielle."

Edité par Yves Clarisse