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Société

Noyades dans les piscines: "On ne se rend pas compte à quel point ça peut aller vite"

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- - DANIEL JANIN / AFP

Les risques de noyades dans les piscines privées, notamment des jeunes enfants, sont souvent mal anticipés par les parents au moment de profiter des vacances.

"Aucun parent n’aurait l’idée de louer une maison en bordure d’autoroute. C’est pourtant ce qu’on fait avec une piscine. C’est même pire, parce que c’est plus attractif". Laurence Pérouème, présidente de l’association Sauve qui veut, milite depuis de nombreuses années pour une meilleure sécurité au bord des piscines privées. La dangerosité de ces endroits, surtout pour les jeunes enfants, elle l’a vécue de près. "Mon fils de 16 mois s’est noyé le 10 juillet, il y a 22 ans. A l’époque, si j’avais su le quart de ce que je sais aujourd’hui, ce ne serait pas arrivé", assure-t-elle.

En France, la dernière grande étude sur les noyades, menée par l’Institut de veille sanitaire et Santé Publique France, remonte à 2015. Cette année-là, entre le 1er juillet et le 1er septembre, 173 accidents se sont déroulés dans des piscines appartenant à des particuliers, et 96 d’entre eux ont touché des enfants de moins de 6 ans, pour 13 décès. Une nouvelle étude se déroule cette année, et les premiers résultats intermédiaires (entre le 1er juin et le 5 juillet) seront dévoilés jeudi.

"Quand on a lancé l’association, l’équivalent d’une classe de maternelle disparaissait dans l’eau chaque année, reprend Laurence Pérouème. On est arrivé à une dizaine. Mais les chiffres sont très réducteurs, parce qu’il y a les décès, mais aussi les enfants qui restent handicapés à vie".

"Ne pas louer une maison où il y a une piscine non-clôturée"

C’est aussi grâce au travail de son association que depuis 2004, une loi impose des dispositifs anti-noyades au bord des piscines privées (barrière, filet de protection, alarme…). Pas anodin pour un pays comme la France, où le nombre de piscines privées approche les 2 millions, ce qui en fait le 2e plus gros parc mondial derrière les Etats-Unis. Mais ce n'est pas encore suffisant, selon Jean-Michel Lapoux, secrétaire général de la fédération des maîtres-nageurs sauveteurs (FMNS). "On ne peut pas mettre une bouée à l’enfant du matin au soir. Donc il faut absolument que la piscine soit clôturée. Malheureusement les pouvoir publics ne font pas leur travail, personne ne contrôle personne. Selon moi, une fois sur deux les systèmes d’alarmes ne marchent pas", regrette-t-il.

Son conseil est simple pour passer un été serein:

"Si vous partez avec des jeunes enfants chez des particuliers, ne pas louer une maison où il y a une piscine non-clôturée. On éviterait beaucoup de morts comme ça. Il y a deux catégories de gens. Ceux qui sont responsables, qui clôturent leur piscine, qui ont un système d’alarme qui marche. Et puis il y en a d’autres qui font n’importe quoi. Moi j’ai déjà vu des parents partir faire des courses et laisser les enfants à la piscine municipale. Des inconscients, il y en a quand même beaucoup".

"La piscine a un pouvoir d’attraction incommensurable"

Des progrès sont donc encore possibles autour de ces piscines privées. "Certains vont dire qu’ils sont en conformité avec la loi parce qu’ils ont mis une alarme, mais ce n’est pas ça qui va empêcher un enfant de tomber dans l’eau, reprend Laurence Pérouème. D’autres ne mettent le filet de sécurité ou la barrière que le soir. Certains disent carrément qu’une barrière, c’est moche, ça dénature le jardin. Malheureusement, chez certaines personnes, il y a une espèce de déni qui fait que l’accident n’arrive qu’aux autres. Jusqu’au jour où ça vous arrive".

Le risque débute avec les premiers pas de l’enfant, et se poursuit jusqu’au moment où il peut commencer à prendre conscience du danger potentiel (ce qui peut tout de même s’avérer insuffisant). "Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que la piscine a un pouvoir d’attraction incommensurable, estime Laurence Pérouème. C’est fascinant une piscine. Par ailleurs, on sous-estime toujours la capacité exploratoire de l’enfant. Combien de fois vous êtes-vous dit "Mais il est où?", alors qu’il était déjà à l’autre bout du jardin… Donc on est souvent en retard. J’ai recueilli des dizaines et des dizaines de témoignages, et la phrase que j’ai probablement le plus entendue c’est "mais comment il a fait?".

"On ne prend pas son livre au bord de la piscine quand on est chargé de la surveillance"

Voilà pourquoi "il faut toujours un adulte qui exerce une surveillance individuelle", selon Jean-Michel Lapoux.

"Certains surveillent en faisant un peu autre chose. Mais il faut avoir les deux yeux sur l’enfant. On ne prend pas son livre au bord de la piscine quand on est chargé de la surveillance, parce qu’on ne se rend pas compte à quel point ça peut aller vite, prévient Laurence Pérouème. Par ailleurs, on ne délègue jamais la surveillance à un enfant plus âgé. Et si vous êtes avec des amis, attention: le groupe c’est dangereux, parce que tout le monde croit que quelqu’un surveille mais en fait personne ne surveille".

Bien sûr, l’équipement en brassières et en bouée est également indispensable. Au même titre que l’apprentissage de la nage. En France, une personne sur 7 ne sait toujours pas se mouvoir correctement dans l’eau. "Un enfant doit apprendre à nager, et beaucoup de parents le négligent, regrette Michel Lapoux. Ils se disent qu’ils n’ont pas besoin d’un maître-nageur, qu’il apprendra bien tout seul. On peut commencer dès 5 ans. Avant, on a des difficultés pour synchroniser les mouvements des bras et des jambes et la respiration". "On a un problème, c’est qu’énormément d’enfants ne savent pas nager, ou très mal, enchaîne Laurence Pérouème. Mais comment peut-on encore se noyer dans une piscine quand on a 8 ans? Même tout petit, il faut leur apprendre à se mettre sur le dos, à faire le petit chien. Un enfant qui ne va pas paniquer ça peut faire toute la différence. Sinon, il coule comme une pierre et c’est terminé".

Antoine Maes