BFMTV
Société

Nemmouche: peut-on déchoir les jihadistes français de leur nationalité?

Mehdi Nemmouche, le 15 août 2015.

Mehdi Nemmouche, le 15 août 2015. - AFP

Le député UDI Jean-Christophe Lagarde propose de déchoir les jihadistes français, comme Mehdi Nemmouche, de leur nationalité. Est-ce faisable en l'état? Faut-il modifier le droit pour s'adapter à cette menace?

Comment lutter contre les jihadistes français prévoyant de commettre un attentat en France? La question a été lancée par plusieurs élus après la publication d'un article de Libération, dimanche soir, affirmant que le tueur présumé du Musée juif de Bruxelles, Mehdi Nemmouche, prévoyait "au moins un attentat en France" lors des cérémonies du 14 Juillet sur les Champs-Elysées. Une information rapidement démentie par le parquet de Paris et le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

> Pourquoi cette question fait-elle l'actu ?

Interrogé sur le sujet lundi matin sur RMC, l'UDI Jean-Christophe Lagarde a estimé qu'il fallait déchoir de leur nationalité les jihadistes français comme Mehdi Nemmouche.

Une option déjà évoquée par Manuel Valls le 3 juin dernier sur BFMTV et RMC. Le Premier ministre avait alors déclaré à propos de Mehdi Nemmouche: "Nous pouvons déchoir de la nationalité ceux qui s’attaquent aux intérêts fondamentaux de notre pays. Il n’y a pas de tabou." 

> Peut-on déchoir de sa nationalité n'importe quel citoyen français ?

Les conditions pour déchoir un citoyen français de sa nationalité sont détaillées à l'article 25 du Code Civil. Et très encadrées.

La loi indique d'abord que pour perdre sa nationalité, il faut l'avoir acquise, et donc ne pas être né Français. Il faut ensuite être binational, c'est-à-dire que l'individu possède une autre nationalité afin qu'il ne se retrouve pas apatride, conformément à la Déclaration universelle des Droits de l'homme qui stipule que "nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité". Enfin, il faut avoir acquis la nationalité française depuis moins de 10 ans, la sanction ne pouvant s'appliquer "que si les faits reprochés à l'intéressé (…) se sont produits dans le délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité française" et ne pouvant "être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits".

Or, ça n'est pas le cas de Mehdi Nemmouche, né à Roubaix (Nord) en 1985, de parents français.

> Pour quels motifs peut-on perdre la nationalité française ?

Le Code civil ne cite que cinq motifs possibles pour déchoir un individu de sa nationalité: "s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation", "s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal", "s'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national", "s'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de français et préjudiciables aux intérêts de la France", ou "s'il a été condamné en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement".

En clair, on ne peut déchoir des individus de la nationalité française qu'en cas d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la France, terrorisme, haute trahison, espionnage, ou pour des actes préjudiciables à la France commis au profit d'un Etat étranger. 

La procédure est donc pour le moins complexe. Ce qui explique qu'il n'y ait eu, au total, que 21 cas de déchéance entre 1989 et 2010.

> Y a-t-il des projets de loi dans les cartons ?

Oui. Le député-maire de Drancy Jean-Christophe Lagarde va déposer une proposition de loi pour permettre de déchoir les "Nemmouche" de leur nationalité. "Le droit n'est pas adapté à cette nouvelle menace (...) Il n'est pas question de subir cette barbarie", a-t-il lancé au micro de Jean-Jacques Bourdin.

L'élu propose donc de "moderniser" le droit. D'une part, en facilitant la procédure de déchéance pour les individus ayant une double nationalité. "Aujourd'hui, on ne peut déchoir quelqu'un de sa nationalité que si il a une double nationalité, et que si il a cette nationalité depuis moins de 10 ans. Moi je dis: si il y a plus de 10 ans, et dès qu'on a une double nationalité, à n'importe quel moment -et c'est parfaitement conforme aux conventions internationales- on peut être déchu de sa nationalité", a détaillé le centriste.

D'autre part, s'agissant des Français n'ayant pas de double nationalité, l'élu est "pour qu'on suspende les effets de la nationalité quant au droit à être présent sur le territoire". "On leur interdit l'accès au territoire, ou on contrôle cet accès et on les contraint à suivre, si vraiment ils ont envie de revenir, des stages de déradicalisation", a précisé Jean-Christophe Lagarde sur RMC. En d'autres termes, "la personne soupçonnée de s'être engagée dans des groupes terroristes à l'étranger devra demander, à son retour, une autorisation au ministère de l'Intérieur", a-t-il encore expliqué au JDD.fr.

Enfin, la proposition de loi de Jean-Christophe étendra la liste des motifs qui permettent de démettre quelqu'un de sa nationalité: "toute personne qui rejoint et/ou apporte son aide à des groupes terroristes étrangers pourra être visée d'une procédure de déchéance", a-t-il indiqué.

Jean-Christophe Lagarde annonce qu'il déposera sa proposition de loi "cette semaine".

Violette Robinet