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Société

Migrants: un passeur bénévole français risque la prison en Italie

Des migrants se reposent à la gare de Vintimille, en Italie, le 6 août 2013, en attendant de prendre un train pour la France

Des migrants se reposent à la gare de Vintimille, en Italie, le 6 août 2013, en attendant de prendre un train pour la France - JEAN CHRISTOPHE MAGNENET, AFP/Archives

Félix Croft risque trois ans et quatre mois de prison après avoir aider une famille de migrants du Darfour à passer la frontière italienne. Un procès qui intervient alors que les autorités italiennes sont plus fermes à l'égard de ceux qui veulent venir en aide à ces réfugiés.

Cette affaire est une première côté italien dans la région de Vintimille, qui a vu transiter ces dernières années des milliers de migrants débarqués en Italie et cherchant à gagner le nord de l'Europe. Le tribunal italien d'Imperia, dans le nord-ouest du pays, doit rendre jeudi son verdict après que le parquet a requis trois ans et quatre mais de prison à l'encontre de Félix Croft, un bénévole français, pour avoir tenté de conduire une famille soudanaise en France.

Niçois de 28 ans, Félix Croft a été arrêté le 22 juillet 2016 du côté italien de la frontière avec une famille de cinq Soudanais du Darfour, le père, la mère enceinte, deux enfants et un oncle. Il les avait rencontrés par hasard dans un centre d'accueil de Caritas et décidé de les ramener en France. Dans son réquisitoire prononcé mi-mars, la procureure Grazia Pradella a rejeté tout "état de nécessité".

Pas "fait quelque chose de mal"

En l'absence, contrairement à la France, d'une clause humanitaire pour l'aide désintéressée au migrants, la défense a en effet invoqué ce point de droit qui autorise un délit s'il est commis en dernier ressort pour éviter de graves dommages à des personnes. "Ces personnes pouvaient demander d'activer les procédures pour le droit d'asile (en Italie) mais elles ont exprimé la volonté de rester clandestines", a répliqué la procureure.

Réticent au départ à médiatiser son affaire, ce jeune homme à la barbichette observe aujourd'hui avec un certain soulagement que la liste de ses soutiens s'allonge et que "ça commence aussi à bouger côté italien". "Je ne considérerai jamais avoir fait quelque chose de mal ou contraire à la loi", a pour sa part assuré Félix Croft en rencontrant l'AFP quelques jours avant le verdict. D'un naturel moqueur et ironique, il s'est pourtant dit inquiet.

"Ca me fait un peu flipper, ma roue de secours est crevée!", a-t-il expliqué, soulagé uniquement par les assurances de ses avocats italiens sur le fait que le tribunal n'ordonnerait pas son incarcération à l'issue du verdict, attendu dans l'après-midi.

"Procès politique"

En France, un collectif de soutien a dénoncé "l'énormité des peines requises", rappelant que côté français, le tribunal de Nice a condamné l'agriculteur militant Cédric Herrou à 3.000 euros d'amende avec sursis pour avoir aidé des dizaines de migrants à venir d'Italie. "Moi, c'est pas une peine symbolique mais de la prison ferme que la procureur a demandée, comme pour quelqu'un qu'on veut retirer de la société", a regretté Félix Croft, dénonçant "un procès politique".

Né à Nice d'une mère française d'origine italienne adorant les voyages et d'un père américain, le jeune homme a grandi à Cagnes-sur-mer, passé un CAP de charpente navale et d'ébéniste et tenté deux fois en vain le concours d'infirmier. Il vit au gré de ses besoins, de ses droits au chômage et de divers emplois, caissier, BTP, intérimaire ou encore pêche au homards l'été dans le Maine, dans le nord-ouest des Etats-Unis, où son père vit désormais.

L'Italie plus ferme avec les migrants

Militant des Nuits Debouts contre la loi Travail, engagé à gauche depuis toujours tendance radicale de Jean-Luc Mélenchon, il n'a pas laissé ses démêlés judiciaires en Italie refroidir son ardeur: le 16 avril, il était à Menton pour manifester pour l'ouverture des frontières, ce qui lui a valu 19 heures de garde à vue. En Italie, son procès arrive au moment d'un changement d'humeur vis-à-vis de l'aide aux migrants, qui continuent de débarquer par milliers chaque semaine.

Si le maire de Vintimille a finalement annulé il y a quelques jours son décret interdisant de donner à manger aux migrants, le procureur de Catane (Sicile) multiplie depuis plusieurs semaines les déclarations menaçantes contre les ONG affrétant des bateaux de secours en mer.

J.C avec AFP