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"La Fête à Macron", une formule ambiguë pour une manifestation qui se veut pacifique

Un homme portant un masque d'Emmanuel Macron, le 11 avril 2018 lors d'une manifestation à Paris.

Un homme portant un masque d'Emmanuel Macron, le 11 avril 2018 lors d'une manifestation à Paris. - Lionel Bonaventure - AFP

Les manifestants de ce samedi 5 mai vont-ils "faire la fête à Macron", ou "faire sa fête" au président de la République? Entre festivités et formule à double sens, qui peut potentiellement encourager des actes violents, la contestation s'organise et l'exécutif s'inquiète.

Ce samedi, cheminots, étudiants, syndicalistes, salariés ou simples citoyens mécontents sont invités, à l'appel du député de La France insoumise François Ruffin, à "faire la fête à Macron".

L'expression est ambiguë. Dans Le Petit Robert, "faire fête à quelqu'un" signifie "lui réserver un accueil, un traitement chaleureux". François Ruffin souhaiterait-il célébrer l'action du président de la République, pour le premier anniversaire de son élection? Certainement pas. Dans le Larousse cette fois-ci, "faire sa fête à quelqu'un" consiste à "le malmener physiquement ou moralement".

"Le diable est dans les détails", dit-on parfois. Ici, il se cache derrière un pronom possessif: les contestataires de samedi feront-ils la fête à Macron, ou sa fête? Le linguiste Julien Longhi note pour BFMTV.com à quel point "un élément très discret (...) renverse la polarité de la formule", qui devient alors une antiphrase.

"Cela joue sur un côté festif, tout en étant assez fort, potentiellement violent", note le professeur en sciences du langage à l'université de Cergy-Pontoise.

Car les organisateurs du rassemblement l'assurent: "On va faire la fête, c'est ça le mot d'ordre", a assuré mercredi sur notre antenne Bastien Lachaud, député La France insoumise de Seine-Saint-Denis. C'est d'ailleurs une "manifestation pot-au-feu" qui est annoncée, dont le rendez-vous est annoncé à 12h à Opéra, à Paris.

"L'expression (faire sa fête à, NDLR) est assez dure, mais dans les '1000 raisons de faire sa fête à Macron' sur leur site, c'est quelque chose d'assez coloré, avec des points d'exclamation, des jeux de mots", fait remarquer Julien Longhi, qui note un "dédoublement" entre les festivités et la contestation.

"Un sentiment sur le fil du rasoir"

La manifestation annoncée de ce samedi 5 mai "aurait pu s'appeler de manière beaucoup plus traditionnelle", relève-t-il. "Hommage", "rassemblement", "marche"... Mais "plus on utilise un terme positif, plus la connotation négative est grande quand on le renverse", explique celui qui est aussi spécialiste de l'analyse du discours politique et médiatique. "Cela provoque un sentiment un peu mitigé, sur le fil du rasoir", ajoute-t-il.

"Dans le langage populaire, 'faire la fête à quelqu'un' peut avoir une double signification, il y a un côté sympathique et festif, et puis il y a un côté plus violent 'on va lui faire sa fête'", a résumé ce jeudi sur France Inter le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

L'exécutif craint-il que les manifestants ne pendent et brûlent un mannequin à l'effigie d'Emmanuel Macron comme en avril à Nantes, quelques jours après les débordements du 1er-mai?

Le ministre de l'Intérieur s'est lui inquiété que "certains prennent (l'expression) au pied de la lettre". "J'ai peur qu'un certain nombre de gens soient aspirés par cette spirale des mots, et demain commettent un certain nombre d'actes inadmissibles", craint Gérard Collomb.

"Une incitation très claire à jeter du persil"

"Il me semble que là, il y a une incitation très claire à jeter du persil, des poivrons…", ironise de son côté Jean-Luc Mélenchon ce jeudi, interrogé à propos d'une affiche de la "Fête à Macron" représentant un jeune manifestant en train de lancer des légumes.

"Ce dessin dit 'renoncez aux actes de violence et abonnez-vous à quelque chose de plus cool, de plus tranquille, et c'est ça qui va se passer samedi", a-t-il assuré.

"'La fête à Macron', le 5 mai, on la veut festive, revendicative et absolument non-violente", a confirmé à l'AFP François Ruffin. "On met tout en oeuvre pour son bon déroulement. On fait ce que la préfecture nous demande de faire, nous retrouver place de l'Opéra et non au Louvre, passer par la place de la République. On met en place deux services d'ordre", a-t-il assuré.

"Je préférerais que le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre mettent toute leur énergie à assurer la sécurité du cortège plutôt que de créer la polémique", a tranché l'élu.

Liv Audigane