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Finkielkraut chassé de "Nuit debout": le mouvement s'est-il tiré une balle dans le pied?

Les images du philosophe Alain Finkielkraut invectivé place de la République ont suscité de fortes réactions. Plusieurs responsables politiques réclament depuis la fin du mouvement citoyen.

Fermement invité à se "casser" de la place de la République ce samedi soir, le philosophe Alain Finkielkraut a quitté la "Nuit Debout" sous les hués et les insultes... non sans traiter de "fascistes" et de "pauvre conne", ceux qui le mettaient dehors.

Très en colère, il est parti en jugeant que "cette démocratie c'est du bobard, ce pluralisme c'est un mensonge". Les Jeunes communistes se sont ensuite félicité sur Twitter d'avoir "tej" (jeté) le philosophe. 

Si sur la place, samedi soir, l'incident avec le philosophe est passé quasiment inaperçu, cette scène, abondement relayée sur les réseaux sociaux, a suscité dimanche des réactions indignées au sein de la classe politique française. 

La droite dénonce "l'intolérance" de "Nuit Debout"

Sur BFMTV, la ministre de l'Education Najat Vallaud Belkacem a condamné le traitement réservé à l'académicien. "Je ne suis pas toujours d'accord avec ce que dit ce philosophe, mais je me battrai toujours pour qu'il puisse le faire", a précisé la ministre sur notre antenne.

"En termes de violences, un certain nombre de limites a été franchi. Je pense que le mouvement 'Nuit Debout' doit s'interroger sur la suite", a poursuivi Najat Vallaud-Belkacem, qui avait jusque-là toujours accueilli ce mouvement contestataire avec "bienveillance".

La droite, de son côté, a dénoncé "l'intolérance" du mouvement "Nuit debout". Le député Les Républicains Eric Ciotti et la députée Front national Marion Maréchal-Le Pen ont tous deux estimé que "Nuit debout" avait montré son "vrai visage": "celui de la haine et de l'intolérance".

Pour l'éditorialiste politique de BFMTV Hervé Gattegno, s'il y avait jusqu'ici "une forme de bienveillance y compris dans les médias, le monde politique et la société française", l'incident avec Alain Finkielkraut est indiscutablement un "dérapage"."Il vaut mieux parfois un débat sclérosé que pas de débat du tout", développe-t-il.

"La droite et l'extrême droite sont plutôt hostiles à 'Nuit Debout' et la gauche est plutôt embarrassée et n'arrive pas à trouver de passerelles avec ce mouvement", résume-t-il. "Le gouvernement doit être assez content de voir que ce mouvement qui porte une partie de l'opposition à la loi El Khomri se tire une balle dans le pied", selon l'éditorialiste.

"Nuit Debout" doit-il se structurer?

Sur la place de la République, certains n'évoquent que des dérapages individuels.

"Les personnes qui ont voulu qu'il sortent de la place y sont allés avec leur responsabilité individuelle et personnelle, le mouvement 'Nuit Debout' n'est pas responsable", juge une participante interrogée par BFMTV.

Mais cet accrochage vient alimenter l'argumentaire de ceux qui dénonçaient déjà les débordements en marge du mouvement. "Nuit Debout", dont la majorité des participants condamnent les violences, a été rappelé à l'ordre samedi par le préfet de police de Paris. A plusieurs reprises, des heurts ont éclaté avec la police en marge du rassemblement, de petits groupes s'attaquant à des vitrines de banques ou de magasins, saccageant un chantier ou brûlant palettes et poubelles. Une trentaine de jeunes ont été interpellés, des policiers blessés. 

A "Nuit debout", parmi les étudiants, employés, chômeurs et déçus en tout genre de la parole politique, une immense majorité de cette agora moderne a dit son opposition à la violence, mains levées. Le mouvement horizontal, organisé autour de commission, devra-t-il se structurer pour faire entendre une seule voix et pour durer? La question se pose. Installé sur la place de la République depuis deux semaines, le mouvement perdure sans leader, ni-porte-parole. Suivant des règles bien précises, il ressemble de plus en plus à une ville dans la ville.

"'Nuit Debout' ne cherche pas à avoir de leader, c'est notre ADN", tranche une militante au micro de BFMTV.

Mais, de l'autre côté de la place, un autre "espère que dans les jeunes qu'il y a là, il y a le futur leader", attendant "un porte-parole qui soit le reflet d'un groupe". Un autre militant souligne en public le "refus d'une obligation de réussite en 15 jours d'existence" quand la classe politique "n'a rien fait pendant des années". "Il peut y avoir un tournant d'image", considère quant à lui Hervé Gattegno, persuadé que désormais "le problème du débouché politique se pose pour 'Nuit Debout'".

A. D.