Manche: une campagne de l'Intérieur encourage à "signaler" les migrants tentant la traversée

"Traverser la Manche sur des embarcations inadaptées est périlleux", peut-on lire sur la campagne publicitaire du ministère de l'Intérieur sur le littoral nord de l'hexagone.

"Aidez-nous à sauver des vies." Une campagne de communication du ministère de l'Intérieur sur le littoral de la Manche a été repérée par France Bleu Hauts-de-France. Diffusée depuis un mois dans la presse quotidienne régionale, elle vise les migrants tentant une traversée de la Manche depuis les côtes françaises pour atteindre l'Angleterre.

"Traverser la Manche sur des embarcations inadaptées est périlleux", peut-on lire sur l'affiche, "en 2018, 350 migrants en danger ont été secourus en mer".

Campagne publicitaire du gouvernement pour signaler les migrants qui traversent la Manche © Ministère de l'Intérieur

Dans cette campagne, le ministère de l'Intérieur rappelle les précautions d'usage, et met en avant les risques de la traversée de ce bras de mer pour les migrants, mais aussi pour les secours qui leur viennent en aide. "Les tentatives de traversées à bord d’embarcations pneumatiques inadaptées sont très périlleuses", écrit le ministère.

"Signalez" les comportements inhabituels

En ce sens, il demande aux personnes "de passage sur le littoral, résidents, ou détenteurs d’un bateau", d'être "attentifs" et de signaler toute activité anormale sur le littoral aux autorités concernées: la CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage), les secours ou la police.

Au-delà de la simple surveillance du littoral, il est également demandé à la population de surveiller tout vol d'embarcations et de matériel, de signalez "l'achat ou la présence de matériels en quantité anormale", ou encore les "rassemblements nocturnes inhabituels".

Recommandations du ministère de l'Intérieur sur le signalement des migrants © Ministère de l'Intérieur

"Un appel à délation"

"Cette publicité n’est ni plus ni moins qu'un appel à délation, une tentative de transformer chaque citoyen en auxiliaire de la police, comme si les exilés qui cherchent à gagner l’Angleterre étaient des délinquants", a répliqué un communiqué du 22 juillet, signé par 18 associations agissant sur le littoral de la Manche.

Alors que les associations de protection des migrants dénoncent depuis plusieurs mois le harcèlement policier à l'encontre des migrants, voire de leurs bénévoles, le communiqué pointe du doigt le traitement qui attend les migrants une fois qu'ils seront "signalés".

Ils "risquent de se retrouver enfermés en centre de rétention, menacés d’expulsion, ou finalement rejetés dans les campements dont ils espéraient partir". "Ce ne sont pas la mer ni la montagne qui tuent, mais la fermeture des frontières et les politiques migratoires européennes", conclut le communiqué.

Critiques des lecteurs 

Cette campagne publicitaire a notamment été publiée dans La Voix du Nord, principal quotidien de la région. A la suite de plusieurs courriers critiques de lecteurs, le directeur de la publication du journal a justifié son choix. Dans un premier temps, il déclare que "les refus [de publicités] sont rares. Il faut pouvoir les justifier, au risque d’être attaqué pour refus de vente". 

Il assure ensuite que "nous avons décidé de la publier car le message est d’aider la police à intervenir lorsque des citoyens sont témoins d’événements qui peuvent mettre des vies en danger" et souligner "le caractère d'urgence" de cette situation. 

"Il ne s’agit pas de signaler la présence de migrants mais de venir en aide à des hommes, des femmes et des enfants qui mettent leur vie en péril", conclut le directeur de publication. Le journal a ensuite relayé le communiqué des associations critiquant la campagne publicitaire.

En 2018, 504 migrants ont tenté de franchir la Manche, 276 d'entre eux ont atteint les eaux et les côtes britanniques, selon le ministère de l'Intérieur. Un plan d'action franco-britannique a été lancé en janvier, pour "prévenir et lutter contre les traversées de la Manche par des migrants".

Salomé Vincendon