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Logement

Paris: la fondation Abbé Pierre déclare la guerre aux micro-logements

La Fondation Abbé Pierre dénonce la situation de locataires victimes de marchands de sommeil qui leur louent des appartements de moins de 9m2. Dans le 14e arrondissement, l'un d'eux raconte son quotidien dans son appartement de 4m2.

La Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d’alarme. Ce jeudi, l’organisme reconnu d’utilité publique a décidé de dénoncer les "abus commis par marchands de sommeil" qui louent des logements minuscules à des personnes déjà en situation de précarité.

Dans le 14e arrondissement de Paris, la Fondation a notamment ciblé un bailleur qui loue dans un immeuble une dizaine d’appartements indignes dont la superficie est comprise entre 0,9 et 6m² (loi Carrez). Une situation anormale compte tenu du fait qu’il est interdit de louer un logement de moins de 9m² en France.

"Cette cage est louée 250 euros par mois"

Dans le bâtiment, un locataire à la retraite depuis quelques jours a ouvert les portes de son logement de 4,5 m² qui lui avait été présenté par son propriétaire comme une pièce mansardée d’un peu plus de 10m² habitable. Loin de la réalité de son occupant donc qui confie "dormir par terre sur un lit pliable" dans "cette cage est louée 250 euros par mois".

Côté sanitaires, les toilettes communes, à la turque, sont situées au bout d’un petit balcon. Pour la douche, le locataire retraité dit aller "à la piscine municipale à 1,5 km". "Trois fois par semaine je fais ma gymnastique en allant à la piscine", explique-t-il.

"Ces ménages vivent dans ces logements qui sont dégradés. Un locataire me disait qu’il y avait beaucoup de souris, des problèmes d’isolations, des fuites…", s’indigne Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

La mairie de Paris apporte son soutien

La situation de ces locataires du 14e arrondissement a été signalée à la mairie de Paris et est en cours de traitement. Les loyers ont cessé d’être payés, tandis qu’une famille a été relogée par la préfecture. De son côté, la municipalité rappelle que les locataires peuvent demander de l’aide:

"La mairie de Paris peut faire des choses. D’abord, aider les victimes et maintenant, systématiquement, des les procès qui opposent les marchands de sommeil à des victimes, nous nous portons partie civile aux côtés des victimes. Par ailleurs, nous nous mobilisons aux côtés de l’État pour faire en sorte que ces personnes soient relogées et nous nous donnons la possibilité d’exproprier ces immeubles et ces appartements pour les transformer en logements sociaux", a indiqué Ian Brossat, maire adjoint en charge du logement.

Dans ce cas précis, trois arrêtés d’interdiction d’occupation ont été pris. Une enquête est en cours. Mais le marchand de sommeil censé trouver une solution de relogement pour les habitants n’a pas donné suite pour le moment.

Renforcement de la loi contre les marchands de sommeil

Cette situation est emblématique des "abus commis par les 'marchands de sommeil'" qui continuent de "faire leur beurre sur le dos des étudiants, des retraités, et des travailleurs pauvres", a affirmé Christophe Robert. Saluant le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil dans le projet de loi Elan, il réclame toutefois davantage de moyens au gouvernement pour déceler les situations d'habitat indigne.

Le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique) prévoit notamment des peines complémentaires de confiscation des biens et d'interdiction d'acquisition de nouveaux biens immobiliers pendant cinq ans. "S'attaquer au portefeuille des marchands de sommeil ne suffira pas. C'est tout un sous-marché de logements dégradés qui s'est développé en France et il n'y a pas assez de logements sociaux", dénonce Christophe Robert.

Quelque 5000 signalements de logements insalubres sont recensés chaque année aux services de la mairie de Paris, selon des représentants de la mairie du XIVe arrondissement. La ville a également comptabilisé plus de 7.000 chambres de moins de neuf mètres carrés dans la capitale, selon la Fondation Abbé Pierre.

Nicolas de Labareyre avec Paul Louis