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Logement: avec la trêve hivernale, ce qui change concrètement

La trêve hivernale débute officiellement ce dimanche 1er novembre. (Photo d'illustration)

La trêve hivernale débute officiellement ce dimanche 1er novembre. (Photo d'illustration) - Rémi Gabalda - AFP

Depuis ce samedi soir, des milliers de familles et de SDF attendaient cette date avec impatience: depuis ce samedi soir, les personnes menacées d'expulsion bénéficient d'un sursis jusqu'au printemps grâce à la trêve hivernale.

Des milliers de familles et de SDF attendaient cette date avec impatience: depuis ce samedi soir, les personnes menacées d'expulsion bénéficient d'un sursis jusqu'au printemps grâce à la trêve hivernale, tandis que des places d'hébergement supplémentaires sont ouvertes pour les sans-abri.

La trêve hivernale, instaurée il y a 60 ans, démarre chaque année le 1er novembre mais débute véritablement la veille au soir, les expulsions étant interdites entre 21 et 6 heures. Elle se termine le 31 mars. Jusqu'à samedi, beaucoup de foyers étaient menacés. Juste avant la trêve, les expulsions s'accentuent, dénoncent les associations, huissiers et propriétaires faisant pression sur la préfecture pour les obtenir avant les cinq mois de statu quo.

Une période peu appréciée des propriétaires

Car la période est peu appréciée des propriétaires, dont certains sont en difficulté du fait de la dette de loyer, mais ne peuvent récupérer leur bien, même si une décision de justice a été prononcée en leur faveur.

"Une frénésie s'est emparée des préfectures, c'est violent", souligne Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement, qui y voit les conséquences du manque de moyens dont disposent les préfets pour indemniser les propriétaires s'ils décident de suspendre ou retarder une expulsion. Il constate également une hausse des expulsions en logement social, "de familles, de personnes âgées".

"De plus en plus de gens se maintiennent jusqu'au bout dans le logement, car ils n'ont pas d'autre solution".

Selon des chiffres du ministère de la Justice communiqués, les assignations au tribunal pour contentieux locatifs étaient de 173.703 en 2014 (+8%) et les décisions judiciaires d'expulsion de 132.016 (+4,8%). Toutes ces décisions n'aboutissent pas à une intervention de police: selon des chiffres de l'Intérieur communiqués à la Fondation Abbé Pierre, 11.604 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique en 2014 (+15 %).

Mais plusieurs dizaines de milliers de ménages quittent leur logement chaque année avant l'intervention policière, souvent en catimini, parfois aussi poussés dehors par certains propriétaires.

Des expulsions menées en "totale illégalité"

Près de 85% des expulsions du secteur privé sont menées en "totale illégalité" notamment à Paris et en Ile-de-France, affirme Benoît Filippi, économiste et porte-parole du Réseau Stop aux expulsions. Beaucoup sont "en violation de la loi Alur", qui interdit notamment de donner congé à son locataire pour "spéculer" et mieux louer ou vendre derrière.

Autres expulsions illégales "en augmentation", dénoncées par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées: celles des familles reconnues prioritaires dalo (droit au logement opposable), alors qu'une circulaire interdit depuis 2012 leur remise à la rue sans relogement. Pour la Fondation Abbé Pierre, ces familles sont "condamnées à perdre toute stabilité liée à leur habitat".

Des places supplémentaires

Pour ceux qui n'ont déjà plus de logements, la trêve est également un répit puisque l'Etat mobilise sur la même période des places supplémentaires dans des centres d'hébergement. Selon le ministère du Logement, en 2014, la France comptait 103.800 places pérennes pour SDF.

Pendant la trêve, "en moyenne 5.000 places supplémentaires sont mobilisées, et 10.000 en fin de période", car les places s'ouvrent progressivement mais ne se referment pas avant fin mars. Les associations d'aide aux sans-abri ont réclamé mi-octobre l'ouverture de ces places sans attendre, arguant que "la situation était déjà "critique dans de nombreuses villes" et que le 115, le numéro d'urgence pour SDF, était saturé.

Ces ouvertures se font "en fonction de la demande, et non des températures", affirme l'entourage de la ministre Sylvia Pinel, qui a donné des instructions en ce sens aux préfets. Autre instruction: anticiper la fin de l'hiver et préparer les sorties vers d'autres dispositifs d'hébergement, pour éviter les remises à la rue sèche fin mars.

"L'hiver, ceux qui demandent des places sont en général les plus exclus", invisibles le reste de l'année, explique Jean-Martin Delorme, de la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement. "Il faut saisir cette occasion pour nouer un contact avec eux".

Jé. M. avec AFP