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Logement

Faut-il interdire les expulsions locatives ?

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Après 4 mois de trêve hivernale, les expulsions locatives vont reprendre ce vendredi. Plus de 150 000 ménages en France pourraient être contraints de quitter leur logement. « On les met à la porte comme des chiens », témoigne une maire qui a décidé d’interdire ces expulsions sans relogement.

La trêve hivernale s’achève ce jeudi. Demain à 6h, les expulsions locatives, interdites depuis le 1er novembre dernier, pourront légalement reprendre. Certains locataires vont de nouveau appréhender la venue de l'huissier et de la police. Plus de 150 000 ménages sont concernés dans toute la France ; soit une hausse de 7% depuis 2008. 50 000 personnes ont été expulsées en 2010 ; un nombre également en constante augmentation.
Particulièrement inquiètes dans ce contexte de crise et de flambée des loyers, les associations d'aide aux plus démunis demandent à ce qu'aucune expulsion n'ait lieu sans proposition de relogement.
De leur côté, les représentants des propriétaires estiment qu'il faudrait agir bien en amont des problèmes : dès que les premiers incidents de paiement arrivent.

« C’est à chaque fois un drame humain »

Alors, faut-il interdire les expulsions des locataires qui ne peuvent plus payer leur loyer ? Claudine Cordillot, maire communiste de Villejuif, dans le Val-de-Marne, est pour. Elle a pris un arrêté interdisant les expulsions locatives sans relogement : « Pour toutes les familles qui, à travers la situation qu’on a sous les yeux, ne peuvent pas payer, il faut interdire les expulsions et créer des fonds de solidarité. C’est à chaque fois un drame humain. Moi j’ai eu une situation d’un couple avec 4 enfants, qui a été expulsé. Les gamins ont fait la rentrée scolaire sans cartable, ils n’avaient plus rien. On les met à la porte comme des chiens. Si on imagine ce que vivent ces hommes et ces femmes, on ne peut pas prendre de telles mesures, c’est impossible ».

« Les propriétaires ont besoin de ces revenus pour vivre »

De son côté, Jean Perrin, président de l'Union Nationale de la Propriété immobilière, est contre l’interdiction des expulsions « A partir du moment où quelqu’un a des difficultés de paiement et qu’on en arrive à l’expulsion, c’est qu’il s’est passé au moins 2 ans. Si on en arrive là, l’expulsion doit se faire et il faudrait même qu’elle puisse se faire toute l’année. La plupart des propriétaires ont besoin de leurs revenus locatifs pour vivre. Et je tiens à dire que si l’expulsion est un drame pour le locataire expulsé, c’en est aussi un pour le propriétaire ; c’est pas les mêmes conséquences, mais c’est le même tourment quand on doit en arriver à ces solutions ».

« Il suffit d’un incident, d’une dépense imprévue… »

Marie Rothahn, chargée de mission "accès au droit" à la fondation Abbé Pierre, explique comment on peut en arriver à une telle situation : « Les "accidents de la vie" sont majoritairement à l’origine de l’impayé : perte d’emploi, séparation familiale, maladie, situation de surendettement qui s’est enkystée au fil des années et énormément de personnes qui ont du mal à faire face à l’augmentation régulière des loyers. La hausse des revenus n’ayant pas du tout suivi cette courbe, à un moment donné le budget est fragilisé. Il suffit d’un incident, d’une dépense imprévue et on commence à avoir du mal à payer son loyer régulièrement ».

La fondation Abbé Pierre à Paris a mis en place Allo prévention expulsion (0 810 001 505), une plateforme téléphonique pour conseiller et rassurer les personnes en difficulté, souvent mal informées. Le nombre d’assignations pour expulsion a progressé de 26 % en 10 ans…

La Rédaction, avec Claire Andrieux