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Société

Les "Veilleurs" luttent contre les excès de la nuit

A Nantes, comme dans d'autres villes de France, des "Veilleurs de soirée" arpentent les abords des bars et discothèques les week-ends, pour tenter d'enrayer le phénomène du "binge drinking", des épisodes d'alcoolisation rapide. /Photo d'archives/REUTERS

A Nantes, comme dans d'autres villes de France, des "Veilleurs de soirée" arpentent les abords des bars et discothèques les week-ends, pour tenter d'enrayer le phénomène du "binge drinking", des épisodes d'alcoolisation rapide. /Photo d'archives/REUTERS - -

par Guillaume Frouin NANTES (Reuters) - "Planter des points d'interrogation dans les têtes des jeunes". Les "Veilleurs de soirée" se multiplient...

par Guillaume Frouin

NANTES (Reuters) - "Planter des points d'interrogation dans les têtes des jeunes". Les "Veilleurs de soirée" se multiplient dans les villes françaises pour tenter d'enrayer le phénomène du "binge drinking", des épisodes d'alcoolisation rapide.

A Nantes, ville pionnière, des équipes nocturnes de "prévention et réduction des risques" vont depuis quatre ans à la rencontre des lycéens et étudiants pour les faire réfléchir à leur consommation grandissante d'alcool et de drogues.

Ces "Veilleurs de soirée", qui arpentent les abords des bars et discothèques les jeudis, vendredis et samedis soirs de 21h00 à 03h00 du matin, ont fait des émules depuis dans d'autres villes de France, comme Rennes, Bordeaux, Montpellier ou encore Toulouse.

Ce dispositif se développe alors que l'alcoolisation massive des Français, phénomène d'abord cantonné au nord de l'Europe connaît une hausse inquiétante.

Près de 19% des Français ont connu en 2010 au moins "un épisode d'ivresse dans l'année" contre 15% en 2005, d'après le dernier Baromètre Santé de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), alors que la consommation quotidienne d'alcool ne cesse de baisser.

"L'ampleur de la hausse a été plus importante chez les jeunes de 18 à 34 ans, et en particulier chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans", précisent les auteurs de l'étude. "Leur consommation ponctuelle de quantités importantes est passée de 30 à 42% entre 2005 et 2010."

A Nantes, les "Veilleurs de soirée" avaient été créés en 2007 à la suite de la mort par noyade, dans la Loire, d'un lycéen en état d'ivresse.

Les résultats du Baromètre Santé d'alors faisaient en outre apparaître un taux anormalement élevé de consommation d'alcool chez les jeunes de Loire-Atlantique.

PAS DE MORALE

Mis en place par l'antenne locale de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa), le dispositif a été intégré au "Plan alcool" de la mairie de Nantes, un ensemble de mesures plus large destiné à lutter contre l'alcoolisation de la population.

"Nous, on cherche juste à planter des points d'interrogation dans les têtes des jeunes, pour qu'ils se posent des questions sur la place du produit (alcool, cannabis, cocaïne...) dans leur conception de la fête", explique Aurélie Demain, 28 ans, coordinatrice des "Veilleurs de soirée".

"L'idée n'est pas de faire la morale ou de porter un jugement, mais simplement d'échanger."

Les vingt-deux "veilleurs" - pour l'essentiel des bénévoles et des volontaires en service civique - distribuent aussi des éthylotests, des préservatifs ou des bouteilles d'eau aux jeunes.

"On leur laisse aussi des dépliants, sur lesquels ils peuvent méditer le lendemain lorsqu'ils sont à jeun", explique la jeune femme.

Besace en bandoulière et blouson siglé sur les épaules, Katia Goyat et Laurène Mulc arpentaient ainsi jeudi soir le centre-ville de Nantes, où quatre importantes soirées étudiantes étaient annoncées.

Etape incontournable de leur circuit, elles n'ont pu faire l'impasse sur les pelouses éclairées qui font face à la faculté de médecine, où plusieurs centaines de jeunes se retrouvent les soirs de fin de semaine pour boire, fumer et discuter.

LES FILLES AUSSI

"Moi et mon pote, on ne peut pas passer une soirée sans alcool", leur confie sans détour Florian, un étudiant en première année d'économie-gestion, en se versant en même temps un whisky-cola. "On ne va pas jusqu'à faire un coma, mais on cherche juste à être un peu euphoriques."

"L'alcool permet de parler avec les gens, c'est aussi un moyen de s'intégrer dans la vie étudiante", reconnaît Louis, un ami de 18 ans, qui vient de rentrer en faculté de sciences.

Phénomène relativement récent, on retrouve aujourd'hui autour d'eux autant de filles que de garçons dans ces épisodes d'alcoolisation massive.

"Moi, je me suis mis la tête à l'envers trois fois cette semaine", sourit ainsi Marie, une étudiante de 19 ans, qui demeure toutefois consciente des dangers qu'elle encourt.

"Il n'y a pas longtemps, alors que j'étais un peu 'cramée', je me suis fait agresser quand je rentrais chez moi. Les mecs voulaient me piquer mon sac, mais je leur ai donné une bouteille pour qu'ils me laissent tranquille", ajoute-t-elle.

Si ce type de comportement à risques persiste en dépit de l'action des "Veilleurs de soirée", d'autres ont tendance à disparaître, à en croire la coordinatrice du dispositif.

"Il est difficile d'évaluer notre impact sur les changements de comportement, mais on observe que les jeunes intègrent de plus en plus le risque routier", relève Aurélie Demain. "Beaucoup de choses sont mises en place en ce sens, ce qui n'était pas le cas avant."

Edité par Yves Clarisse