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Les syndicats français regardent à distance l'affaire woerth

Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault (à droite) lors d'une réunion sur la réforme des retraites avec le ministre du Travail Eric Woerth (à gauche). Les syndicats regardent prudemment Eric Woerth se débattre dans la tourmente de l'affaire Bette

Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault (à droite) lors d'une réunion sur la réforme des retraites avec le ministre du Travail Eric Woerth (à gauche). Les syndicats regardent prudemment Eric Woerth se débattre dans la tourmente de l'affaire Bette - -

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - Les syndicats regardent prudemment Eric Woerth se débattre dans la tourmente de l'affaire Bettencourt,...

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Les syndicats regardent prudemment Eric Woerth se débattre dans la tourmente de l'affaire Bettencourt, conscients que la réforme des retraites, qui sera présentée mardi, est pilotée par Nicolas Sarkozy.

Le ministre du Travail et le président semblent avoir gagné un répit après que l'ex-comptable de l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, eut démenti devant la police des propos qui lui étaient prêtés par le site Mediapart sur la remise de sommes d'argent à Nicolas Sarkozy par la milliardaire.

Pour le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, la mise en cause d'Eric Woerth dans un enregistrement clandestin de conversations entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, puis par l'ex-comptable Claire Thibout, laissera cependant des traces, quoiqu'il arrive.

"Le moindre majordome est susceptible d'ébranler le gouvernement de la République", estime le dirigeant syndical. "Ça ne reviendra pas comme avant. Un cap a été franchi."

Mais que ce soit Eric Woerth ou un autre qui défende la réforme des retraites ne changera rien dans la mesure où les décisions sont en fait prises à l'Elysée, estime-t-il.

"Que le président de la République change ou non de ministre du Travail n'est pas mon problème", ajoute Bernard Thibault.

Il déplore cependant le risque que le débat sur la réforme des retraites soit "pris en otage" par la situation politique créée par les liens prêtés à Eric Woerth avec la femme la plus riche de France, soupçonnée d'évasion fiscale et de financement illégal de l'UMP, dont le ministre du Travail est trésorier.

Les autres grandes centrales syndicales, qui ont programmé pour le 7 septembre une journée de grève et de manifestation contre le report à 62 ans de l'âge légale de la retraite, font une analyse similaire.

CINQ MINISTRES DU TRAVAIL EN QUATRE ANS

Pour Jean-Louis Malys, responsable du dossier des retraites à la CFDT, "il est dommage que le débat sur les retraites passe au second plan".

Mais pas question pour lui de se hasarder sur le terrain de l'avenir d'Eric Woerth, dont il relativise au demeurant le rôle.

"Les vraies décisions ne se prennent pas au ministère du Travail, qui coordonne, organise, communique. Les vraies décisions sont prises à l'Elysée", souligne-t-il.

Si Eric Woerth était contraint de partir avant le vote de la réforme des retraites programmé au début de l'automne, "on négociera avec celui qui sera en place", ajoute-t-il.

Il n'en déplore pas moins la valse des ministres du Travail - "J'en ai connus cinq en quatre ans. Ce n'est pas très sain d'avoir un tel turn over dans un ministère censé gérer une des questions les plus délicates de la période, l'emploi."

"Ce n'est pas le problème de Woerth, c'est le problème du pouvoir qui paraît ne plus avoir la main du tout", ajoute-t-il.

Comme Bernard Thibault, il souhaite que la journée d'action du 7 septembre reste centrée sur la réforme des retraites mais n'exclut pas que le contexte général entraîne un élargissement incontrôlé de la mobilisation à d'autres thèmes.

Son homologue de Force ouvrière, Bernard Devy, refuse de répondre sur des questions de personne - "On a un interlocuteur qui est Eric Woerth, point final", dit-il.

Pour lui, le gouvernement poursuivra ses objectifs quoi qu'il arrive. "Nous, c'est avec le projet de loi que nous avons des problèmes", souligne-t-il.

BERTRAND PEU APPRÉCIÉ

"Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est la crédibilité du président de la République, qui a dit que c'était la 'Mère des réformes'", ajoute le Monsieur retraites de FO. "Nous n'avons pas l'intention de baisser la garde ou de miser sur un quelconque problème politique."

Pascale Coton, secrétaire général adjoint de la CFTC, estime qu'il serait "dommage de changer de ministre à un tournant important d'une réforme qui concerne 35 millions de salariés".

"Mais on prendrait acte", ajoute-t-elle. "Du moment qu'on nous donne quelqu'un capable de nous écouter et de sortir de cette réforme correctement."

Si la perspective d'un départ anticipé d'Eric Woerth semble pour le moment écarté par Nicolas Sarkozy et le Premier ministre François Fillon, l'actuel secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, fait figure de remplaçant potentiel.

Le moins que l'on puisse dire, est que l'ancien ministre des Affaires sociales n'est guère apprécié des syndicats.

"Si Xavier Bertrand revient, la première chose que je lui rappellerai c'est qu'il a enterré la question de la pénibilité", déclare ainsi Bernard Thibault, selon qui charger le dirigeant du principal parti majoritaire de défendre la réforme ne serait pas non plus un gage de neutralité partisane.

"Xavier Bertrand connaît le dossier mais on a des contentieux avec lui. Ça ne serait pas facile", souligne pour sa part Jean-Louis Malys.

Edité par Yves Clarisse