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Les livres complotistes cartonnent en ligne, beaucoup moins en librairie

Sur différentes plateformes, des ouvrages contredits par la communauté scientifique trustent les premières places des meilleures ventes et sont mis en avant par les algorithmes.

Un succès qui ne se dément pas. Dans les classements des livres les plus populaires des sites de vente en ligne, entre les autobiographies d'artistes et les ouvrages de bien-être et de développement personnel, figurent plusieurs livres considérés comme complotistes.

Au top des classements

Ainsi, sur les plateformes Amazon et FNAC, Les apprentis sorciers, dans lequel la neurobiologiste franco-britannique Alexandra Henrion-Caude, ancienne directrice de recherches à l'Inserm, promet de faire "la lumière sur les dangers de l'ARN Messager", se trouve en troisième position des ventes. Il est en outre affublé de plusieurs centaines d'excellents avis de lecteurs.

Les top-3 des meilleures ventes de livres sur le site Amazon, au 11 avril 2023
Les top-3 des meilleures ventes de livres sur le site Amazon, au 11 avril 2023 © BFMTV

Plus loin dans le classement figure l'ouvrage Covid-19, ce que révèlent les chiffres officiels de Pierre Chaillot, dans lequel ce statisticien covido-sceptique souhaite prouver, en un peu moins de 500 pages, que les chiffres de la mortalité du SARS-CoV-2 transmis par les pouvoirs publics sont tronqués.

Auprès de BFMTV, Thomas Huchon, journaliste spécialiste du complotisme, explique comment ces ouvrages, pourtant contestés par la communauté scientifique, parviennent à toucher un public si important.

"Les leaders d’opinion complotistes ont des audiences absolument colossales sur les réseaux sociaux, sur différentes plateformes, parfois pas celles qui sont les plus connues, je pense à Odyssée, à Telegram", dit-il, insistant sur "l'immense influence numérique" de ces personnalités "que l’on n’identifie pas toujours dans le grand public."

De plus, les auteurs bénéficient également de relais importants sur les réseaux sociaux. Le président des Patriotes Florian Phiilippot, notoirement covido-sceptique, voit en la sulfureuse réputation de ces livres "qualifiés de 'complotistes' par les médias aux ordres" un gage de qualité.

"Continuons de les acheter, de les offrir et de diffuser partout!", dit-il dans un message publié ce jour.

Le complotisme à l'épreuve de la réalité

Toutefois, toujours selon le journaliste, cette popularité grandissante est également favorisée par les algorithmes des sites de vente, qui vont mettre en avant les livres qui se vendent le mieux.

Amazon permet même d'acheter ces deux ouvrages dans un lot qui comprend également un troisième livre, climatosceptique, qui souhaite "sortir de la science-fiction du GIEC."

Les lors de livres complotistes proposés par Amazon
Les lors de livres complotistes proposés par Amazon © BFMTV

Une théorie de la popularité en ligne confirmée par les ventes en librairie de ces deux auteurs, qui sont bien plus faibles, voire inexistantes.

"On ne le vend quasiment pas", déplore Anne-Laure Vial, cofondatrice de la librairie ICI Libraire, à propos du pamphlet d'Alexandra Henrion-Caude.

"On en a vendu quand il y a eu cette actualité, on l’a laissé sur table par honnêteté intellectuelle. Les personnes qui l’ont acheté ne sont pas des curieux, ce sont des gens qui savent ce qu’ils viennent acheter et qui vont même essayer de vous convaincre", ajoute-t-elle.

Dans cette même librairie, Maude, une lectrice assidue, estime toutefois qu'une interdiction de ces textes ne serait pas une mesure efficace.

"Je pense que ça donnerait plus de force aux idées complotistes. Elles se nourrissent de la négation, de l’opposition, donc je pense au contraire qu’il faut les combattre mais les combattre pour expliquer que non, ce n’est pas comme ça qu’on rédige un texte sur un vaccin", avance-t-elle.

Peu d'écho dans le grand public

Si les livres complotistes attirent un public déjà convaincu, l'épreuve du réel est bien plus difficile à franchir. Selon l'Inserm, seuls 2% des Français disent rejeter les vaccins contre le Covid-19.

Toutefois, un changement parmi les plus jeunes a tendance à s'opérer puisque selon une enquête Ifop de début 2023, la tranche 11-24 ans, bien plus connectée, est désormais bien plus perméable à la désinformation scientifique.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV