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Société

Les jurés populaires siégeront en correctionnelle

Le ministre de la Justice Michel Mercier. Le gouvernement français a lancé mercredi une réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, une révolution procédurale voulue par l'Elysée qui relance le conflit avec la magis

Le ministre de la Justice Michel Mercier. Le gouvernement français a lancé mercredi une réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, une révolution procédurale voulue par l'Elysée qui relance le conflit avec la magis - -

Le gouvernement français a lancé mercredi une réforme visant à introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, une révolution procédurale voulue par l'Elysée qui relance le conflit avec la magistrature.

Le projet présenté en conseil des ministres prévoit la participation de citoyens aux procès concernant certains délits d'atteinte aux personnes et aux tribunaux d'application des peines, ainsi que la motivation des arrêts des cours d'assises.

Pour l'instant, les jurés populaires, tirés au sort sur les listes électorales, ne siègent que dans les cours d'assises.

"C'est d'abord pour mieux associer les Français à l'oeuvre de justice, ce n'est pas du tout pour avoir des sanctions plus sévères", a déclaré le ministre de la Justice, Michel Mercier.

"Le but recherché, il y a une telle demande de justice dans ce pays, c'est de faire en sorte que les citoyens français soient associés (...) à l'oeuvre de justice", a-t-il ajouté en précisant que les jurés populaires seraient impliqués dans 40.000 affaires par an sur un total de 600.000.

Concrètement, deux citoyens assesseurs siègeront désormais aux côtés de trois magistrats au tribunal correctionnel pour juger les atteintes violentes aux personnes relevant du tribunal correctionnel collégial, explique le gouvernement.

Sont concernés les violences volontaires, les vols avec violence, les agressions sexuelles, les extorsions, mais aussi les faits de violence routière les plus graves et les délits qui portent atteinte à la sécurité et la tranquillité des citoyens.

Les jurés feront également partie du tribunal d'application des peines pour se prononcer sur les demandes de libération conditionnelle et d'aménagement de peine concernant des peines d'emprisonnement d'au moins cinq ans, ainsi qu'en appel.

UN "COUP MÉDIATIQUE" ?

Michel Mercier a estimé à 20 millions d'euros le coût de cette réforme, qui entrera progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2012 dans quelques tribunaux.

Le projet de loi modernise également le fonctionnement des cours d'assises, notamment afin d'éviter la pratique trop fréquente de la correctionnalisation des crimes.

Il prévoit que pour le jugement des crimes punis d'une peine maximale de quinze ou vingt ans de réclusion commis sans récidive, les neuf jurés du jury de la cour d'assises pourront être remplacés, en première instance, par deux citoyens.

Enfin, les mineurs de plus de 16 ans poursuivis pour des délits commis en récidive seront désormais jugés par un tribunal correctionnel pour mineurs comportant un juge des enfants et appliquant les règles de procédure prévues aujourd'hui par la loi pour le jugement des mineurs.

L'introduction des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, ultime réforme judiciaire importante du quinquennat Sarkozy, suscite l'opposition de la magistrature.

Les syndicats y voient une mise en cause implicite des juges et mettent en doute sa faisabilité matérielle.

"C'est un coup médiatique", a déclaré sur i>Télé Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), qui redoute un allongement du délai de jugement et une paralysie de la machine judiciaire.

L'autre réserve est la contradiction entre le mode de décision des tribunaux correctionnels et la participation de non-professionnels. Les jugements correctionnels sont en effet rédigés durant un délibéré, et motivés obligatoirement en droit et en fait, avec le risque d'une nullité de forme.

Le projet prévoit que les tribunaux "mixtes" délibéreront immédiatement après le procès, pour décider de la culpabilité et de la peine éventuelle, mais que les magistrats rédigeront ensuite seuls le jugement.

Une ultime critique concerne l'instauration d'un système dual, les jurés étant exclus du traitement de 90% des délits, notamment pour la corruption.

Cette rupture apparente d'égalité entre justiciables pourrait être contestée devant le Conseil constitutionnel.

Les magistrats critiquent aussi l'arrivée des jurés dans les tribunaux d'application des peines, qui risque de mettre fin à des libérations anticipées, considérées comme la meilleure arme anti-récidive, disent les syndicats.

Yann Le Guernigou, avec Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse