BFMTV
Société

Les jurés populaires arrivent en correctionnelle

La cour d'appel de Toulouse sera la première, avec celle de Dijon, à accueillir le 2 janvier prochain des jurés populaires au sein de ses tribunaux correctionnels, une réforme voulue par le gouvernement mais vivement critiquée par les avocats. /Photo d'ar

La cour d'appel de Toulouse sera la première, avec celle de Dijon, à accueillir le 2 janvier prochain des jurés populaires au sein de ses tribunaux correctionnels, une réforme voulue par le gouvernement mais vivement critiquée par les avocats. /Photo d'ar - -

par Nicolas Fichot TOULOUSE (Reuters) - La cour d'appel de Toulouse sera la première, avec celle de Dijon, à accueillir le 2 janvier prochain des...

par Nicolas Fichot

TOULOUSE (Reuters) - La cour d'appel de Toulouse sera la première, avec celle de Dijon, à accueillir le 2 janvier prochain des jurés populaires au sein de ses tribunaux correctionnels, une réforme voulue par le gouvernement mais vivement critiquée par les avocats.

Après deux années d'expérimentation, la présence de jurés, qui siégeaient seulement dans les cours d'assises, pourrait être généralisée à tous les tribunaux correctionnels de France pour un coût d'environ 35 millions d'euros par an afin, selon le gouvernement, de "rapprocher le citoyen de la justice".

La mise en place de cette réforme a nécessité la sélection et la formation, dans un premier temps, de 160 citoyens-assesseurs pour la seule ville de Toulouse, a expliqué Claudie Viaud, substitut du procureur de la République de Toulouse.

"Il est évident qu'en ce qui nous concerne, au parquet, cela devrait changer nos méthodes pour requérir. Il nous faudra être plus pédagogues. L'idée est bonne, l'application sera peut-être plus difficile", a-t-elle ajouté.

Concrètement, deux citoyens-assesseurs siégeront dès janvier aux côtés de trois magistrats professionnels pour l'ensemble des audiences correctionnelles concernant des délits graves punis d'au moins 5 ans de prison.

Soit, dans la grande majorité des cas, des homicides involontaires, des agressions sexuelles, des violences aux personnes, des affaires d'extorsions ou de vols aggravés.

D'autres citoyens-assesseurs, tirés eux aussi au sort sur les listes électorales et rémunérés 78 euros par jour minimum, participeront de leur côté aux décisions du tribunal d'application des peines compétent pour les libérations conditionnelles et les aménagements de peine.

Les jugements continueront d'être pris à la majorité et, comme auparavant, il n'y aura aucune voix prépondérante, pas même celle du président du tribunal.

"INCROYABLE HYPOCRISIE"

Joëlle Munier, vice-présidente du tribunal de Grande Instance de Toulouse prédit un plus grand nombre de jugements pris directement à l'issue de l'audience pour faciliter la vie des assesseurs mais ne pense pas que les peines seront plus lourdes, estimant qu'"on est souvent surpris" par la réaction des citoyens devenus juges d'un jour.

"C'est vrai qu'à l'époque, l'arrivée des jurés dans les cours d'assises avait modifié les choses", précise-t-elle. "Mais je n'ai jamais entendu dire que les verdicts sont plus sévères ou le contraire depuis."

Les avocats sont vent debout contre une mesure adoptée dans la foulée de faits divers retentissants, notamment du fait de criminels récidivistes, et qu'ils jugent démagogique.

"Cette réforme est d'une incroyable hypocrisie", dit l'un des ténors du barreau toulousain, Simon Cohen.

"Sous prétexte de durcir les peines à la suite du meurtre dramatique de Laetitia, le ministère a voulu mettre les juges sous la surveillance du peuple", dit-il. "Le résultat risque d'être inverse. Les citoyens sont moins répressifs et plus à l'écoute des problèmes sociaux qu'on ne le croit."

Il estime qu'on aurait mieux fait de consacrer les millions requis par la réforme au bon fonctionnement de la justice.

Plusieurs dizaines de citoyens-assesseurs ont déjà subi une journée de formation juridique et ont visité l'une des deux prisons toulousaines.

Les jurés seront tirés au sort sur les listes électorales et tout refus sera puni d'une amende de 3.700 euros.

Mais ce n'est pas par peur de l'amende que cette future jurée de 52 ans a accepté cette nouvelle fonction.

Sous couvert d'un strict anonymat exigée par la loi instaurant cette réforme, elle estime que "c'est bien beau de critiquer toujours la justice. Mais quand on nous demande d'y participer, ce serait fou de ne pas accepter".

"Je n'ai pas peur de participer à la condamnation éventuelle de gens, ajoute-t-elle. "A la limite, ce que je crains un peu, c'est de croiser dans la salle le regard des familles au moment de la condamnation. Mais cette peur n'est pas suffisante pour se défausser et puis, je ne ferai pas cela toute ma vie."

Edité par Yves Clarisse