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Société

Le Tamiflu est-il dangereux ?

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Les antiviraux prescrits à tous, dès les premiers symptômes de grippe, et gratuitement. Une décision de la Direction générale de la Santé, qui fait polémique du côté des médecins.

Une nouvelle recommandation de la direction générale de la Santé (en date du 10 décembre) incite les médecins à prescrire beaucoup plus largement le Tamiflu. Jusqu'à présent destiné aux cas graves et à risque, cet antiviral pourra dorénavant être prescrit à toutes les personnes souffrant de grippe. Une décision dénoncée par de nombreux médecins généralistes qui craignent que cela ne provoque énormément d'effets secondaires pour peu de bénéfices. Le Tamiflu issu des stocks d'Etat sera disponible en pharmacie, gratuitement, sur simple ordonnance à partir de ce lundi 21 décembre.

« De la dépression grave à l'hallucination »

Parmi les plus que sceptiques face au Tamiflu, le docteur Vincent Renard, généraliste dans le Val-de-Marne, et vice-président du Collège National des Généralistes Enseignants, tient à en rappeler les « inconvénients » : « Il est connu que l'oseltamivir [ndlr, la molécule active du Tamiflu], qui par ailleurs est un médicament très intéressant, entraîne un certain nombre d'effets secondaires. Et notamment en moyenne 30% de nausées-vomissements, 20% de douleurs abdominales, chez l'enfant 20% de troubles du sommeil et du comportement, et 0,5% d'effets neuropsychiatriques graves - de la dépression grave à l'hallucination, en passant par un simple trouble du sommeil. »

« Un rapport bénéfice-risque clairement défavorable »

Inquiet face à cette généralisation de l'utilisation du Tamiflu, Vincent Renard ajoute : « on prend le risque de provoquer dans la population plusieurs millions de problèmes, dont des problèmes le plus souvent bénins, mais qui peuvent être graves. Donc le rapport bénéfices-risques nous paraît clairement défavorable à cette nouvelle directive de la Direction générale de la Santé. Quand on prend la décision de traiter des millions et des millions de personnes, les conséquences ne sont pas les mêmes que quand on en traite des milliers. »

« Un risque pas si important »

A l'origine de cette recommandation de généralisation des antiviraux, le directeur général de la Santé, Didier Houssin se veut rassurant : « il n'y a pas d'effets secondaires importants, y compris dans les cas où le médicament a été utilisé à grande échelle, comme par exemple en Grande-Bretagne ou dans l'hémisphère sud au cours des mois passés. Le risque d'émergence, de résistance du virus aux antiviraux n'a finalement pas été si nettement observé, en tous cas en Grande-Bretagne. Donc, ça laisse penser que dès lors que le médicament n'est pas utilisé à faible dose pendant longtemps, mais qu'il l'est, comme c'est recommandé, à dose normale pendant une petite durée, le risque d'émergence, de résistance, n'apparaît pas si important. »

« Au Chili, ça a notablement réduit la mortalité »

Convaincu que la généralisation du Tamiflu est une bonne stratégie, le docteur Jean-Marie Cohen, coordinateur des Groupes Régionaux d'Observation de la Grippe (GROG) au niveau national, regrette toutefois qu'elle arrive un peu tard : « Les pays qui, comme le Chili, ont libéré leurs stocks d'antiviraux et ont recommandé de les utiliser largement, ont réduit notablement la mortalité liée à la grippe, notamment chez les femmes enceintes. Une stratégie plus large qui est en fait beaucoup plus efficace que celle par exemple de l'Argentine, [qui a opté pour] une prescription "à la française", donc réservée aux cas graves, compliqués et hospitalisés. »

La rédaction, avec Yannick Olland