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Le risque de l'uranium soulevé après une condamnation d'Areva

La condamnation d'Areva pour "faute inexcusable" après le décès d'un ancien employé dans une mine d'uranium au Niger pourrait ouvrir la voie à d'autres procédures judiciaires, alors que le groupe envisage de faire appel. /Photo d'archives/REUTERS/Charles

La condamnation d'Areva pour "faute inexcusable" après le décès d'un ancien employé dans une mine d'uranium au Niger pourrait ouvrir la voie à d'autres procédures judiciaires, alors que le groupe envisage de faire appel. /Photo d'archives/REUTERS/Charles - -

PARIS (Reuters) - La condamnation d'Areva pour "faute inexcusable" après le décès d'un ancien employé dans une mine d'uranium au Niger pourrait...

PARIS (Reuters) - La condamnation d'Areva pour "faute inexcusable" après le décès d'un ancien employé dans une mine d'uranium au Niger pourrait ouvrir la voie à d'autres procédures judiciaires, ont déclaré vendredi l'avocat et la famille de la victime.

Le groupe envisage, lui, de faire appel.

Areva a été condamné vendredi par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun (Seine-et-Marne) à payer environ 200.000 euros d'amende et à doubler la rente versée à la veuve de la victime, selon ces sources.

Décédé en 2009 d'un cancer du poumon, Serge Venel a travaillé entre 1978 et 1984 comme chef de maintenance sur la mine d'uranium d'Akokan au Niger, gérée par une filiale d'Areva de droit nigérien, la Cominak.

Le tribunal a confirmé que l'exposition répétée à des poussières d'uranium et le manque de protection étaient responsables de cette pathologie et relevaient de la responsabilité d'Areva.

"Cette décision désigne le véritable responsable: celui qui tire les bénéfices de l'opération et qui exerce la réalité du pouvoir sur les conditions de travail au Niger, c'est-à-dire Areva", a dit Me Jean-Paul Tessonnière, l'avocat de la famille, soulignant que l'impunité des sociétés-mères qui produisent à l'étranger pourrait évoluer avec ce type de jugement.

Areva disposera d'un mois après la notification du jugement pour faire appel de cette décision que le groupe juge "incompréhensible et paradoxale".

OBSERVATOIRES DE LA SANTÉ

Interrogé sur les conditions de sécurité dans les années 80, un porte-parole du groupe a souligné que la réglementation était alors scrupuleusement respectée.

"Qu'il y ait eu une évolution des moyens mis en place c'est un fait. A l'époque, le règlementation c'était 50 millisieverts pour les mineurs au Niger et en France", a-t-il dit.

En France, la limite légale d'exposition à des rayonnements radioactifs est actuellement de 20 millisieverts par an pour les travailleurs du nucléaire, et d'un millisievert pour les citoyens. Areva souligne avoir réduit à 18 millisieverts la limite autorisée sur ses propres sites.

"Aujourd'hui s'il y a bien une entreprise dans le milieu de la mine qui a une attitude responsable vis-à-vis de ses salariés et de ses anciens salariés, c'est Areva", a ajouté le porte-parole, soulignant que l'entreprise a mis en place des observatoires de la santé pour ses employés.

Au Niger, cet observatoire a été mis en place fin 2011.

"SHORT ET CHEMISETTE"

Selon la fille de la victime, qui a créé une association réunissant une trentaine d'anciens mineurs, cette décision devrait conduire au moins deux autres familles à attaquer le groupe en justice.

"Ce qui nous importait c'était qu'ils soient condamnés et que ça ouvre une brèche pour que plusieurs puissent s'y engouffrer car il y a beaucoup de gens concernés mais qui ont peur d'attaquer Areva", a dit Peggy Venel, présidente de l'association "Serge Venel pour les anciens de la Cominak".

"Les conditions étaient minables, il partait travailler en chemisette et en short. Lorsqu'il faisait des choses salissantes il mettait parfois un bleu de travail. Il n'y avait rien du tout niveau protection", a-t-elle ajouté.

Le cancer du poumon lié à une exposition radioactive est aujourd'hui reconnu au tableau des maladies professionnelles, a souligné Jean-Paul Tessonnière.

A l'état naturel, l'uranium est un métal radioactif associé à des métaux lourds comme le radium 226 ou plutonium 210 et à un gaz radioactif le radon 222, selon la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité).

"Les travailleurs des mines d'uranium, et dans beaucoup de cas les populations riveraines, sont exposés à la radioactivité des minerais par de multiples voies d'exposition dont l'inhalation de poussières et de gaz", a dit à Reuters Bruno Chareyron, responsable du laboratoire de la Criirad.

Cet ingénieur en physique nucléaire souligne que ces doses généralement très faibles ne sont pas sans effet sur la santé.

"Les travailleurs des mines d'uranium sont, parmi les travailleurs du nucléaire, ceux qui reçoivent des doses parmi les plus importantes car il est très difficile de garantir leur protection de manière satisfaisante, ils sont au contact de cette roche radioactive", a-t-il ajouté.

Marion Douet, édité par Gilles Trequesser