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Le prix du cacao flambe, pas celui de l'oeuf de Pâques

Le prix du cacao flambe, pas celui de l'oeuf de Pâques

Le prix du cacao flambe, pas celui de l'oeuf de Pâques - -

Le chocolat va-t-il devenir un produit de luxe ? Flambée des prix du cacao oblige - +135% en cinq ans -, la question se pose à l'approche des fêtes de Pâques, moment fort, avec Noël, pour les douceurs chocolatées.

En France, 13.000 tonnes de chocolats sont vendus à cette période, soit 3,5% du total sur l'année, voire beaucoup plus chez les artisans haut-de-gamme comme La Maison du chocolat.

La tradition des oeufs, poissons et autres lapins à croquer est vivace avec une particularité : 35% du chocolat consommé par les Français est noir, contre 5% en moyenne chez leurs voisins européens, friands de chocolat au lait.

Avec près de sept kilos de chocolat consommés par an en moyenne, les Français sont au cinquième rang mondial derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie et les Etats-Unis.

"Ce sont des consommateurs raisonnables et gourmets", dit Florence Pradier, secrétaire générale du Syndicat du chocolat.

L'habitude d'offrir des oeufs au printemps, symbole de renouveau, remonte à la Perse antique. Les figures chocolatées sont apparues au XIXe siècle avec la mise au point de moules en fer.

A La Maison du chocolat, Pâques est l'occasion de mises en scène spectaculaires. Cette année, des petits lapins en automobile rétro entourés de légumes sculptés à la main ont envahi les vitrines de la marque, qui compte 25 boutiques et des filiales à New York, Tokyo, Hong-Kong et Londres.

FIÈVRE DE LA FÈVE

"En France, Pâques c'est 10% du chiffre d'affaires, donc il ne faut pas le rater !", dit Geoffroy D'Anglejan-Chatillon, directeur général de La Maison du chocolat. "Là, il fait beau, les Parisiens sont en vacances, cette semaine est décisive. Les premières tendances sont encourageantes".

Dans la boutique de la Madeleine, il faut compter une quinzaine d'euros pour un sujet chocolaté et près de 600 euros pour une pièce éditée à 25 exemplaires qui demande dix heures de travail à un chocolatier expérimenté des ateliers de Nanterre (Hauts-de-Seine).

En expansion malgré des tarifs relativement élevés, le marché du chocolat de luxe est stimulé par l'arrivée de nouveaux créateurs comme Patrick Roger et le Belge Pierre Marcolini.

Au tout début de la chaîne du chocolat, il y a la fève de cacao, dont les prix ont connu un accès de fièvre ces dernières années, comme nombre de matières premières.

Entre avril 2006 et avril 2011, les cours de la "fève brune" ont ainsi grimpé de 135%.

Le conflit en Côte d'Ivoire, premier producteur mondial avec 35%, a contribué à cette flambée. Abidjan doit reprendre ses exportations cette semaine après la chute du régime de Laurent Gbagbo et l'annonce par le président Alassane Ouattara d'une levée de l'interdiction d'exporter du cacao.

Après avoir atteint un plus haut depuis 32 ans le mois dernier à 3.770 dollars la tonne, le contrat à terme du cacao a chuté à 2.900 dollars. Il poursuivait vendredi une ascension timide, au-dessus de 3.120 dollars la tonne.

LA CONSOMMATION MONDIALE AUGMENTE

"Le cours suit une tendance haussière liée à l'offre et à la demande : la consommation mondiale augmente avec une production stable", explique Florence Pradier.

Une flambée qui ne se traduit pas sur les étiquettes : selon l'Insee, les prix des produits chocolatés en France ont augmenté de 7% ces quatre dernières années, une hausse raisonnable compte tenu de l'inflation.

"Les fabricants mettent tout en oeuvre pour que cette évolution soit très marginale, et que le consommateur puisse s'offrir un chocolat à un prix abordable", dit Florence Pradier, porte-parole de 70 entreprises en France, où 85% du chocolat consommé est acheté en grande surface, contre 15% chez les détaillants spécialisés.

La Maison du chocolat, qui ne travaille pas en Côte d'Ivoire mais avec des petits producteurs au Venezuela, au Mexique et au Ghana, fait aussi son possible pour limiter les hausses.

"Les prix sont négociés et figés début janvier pour toute l'année, quelle que soit la variation", explique Geoffroy d'Anglejan-Chatillon. "La hausse des prix a été de 2,5% à Pâques 2010 par rapport à 2009, ce n'est pas beaucoup par rapport aux variations du marché".

Si le chocolat ne saurait atteindre le prix du caviar, la tendance est à la hausse pour les années à venir.

"Le cacao est une denrée très spéculative, soumise aux variations, comme les cours de bourse", dit-il. "On a de la demande et une forte consommation, donc les prix vont probablement être à la hausse dans les temps à venir. Aux chocolatiers de voir comment ils impactent leurs tarifs".

par Elizabeth Pineau avec Marion Douet, édité par Yves Clarisse