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Société

Le long chemin vers l'autonomie des sans abri strasbourgeois

Strasbourg accueille le village des Berges de l'Ain, un centre de "stabilisation" destiné à ramener les sans-abri vers l'autonomie ouvert il y a deux ans. Le contrat d'objectifs personnels que chacun doit renouveler tous les trois mois se révèle, pour cer

Strasbourg accueille le village des Berges de l'Ain, un centre de "stabilisation" destiné à ramener les sans-abri vers l'autonomie ouvert il y a deux ans. Le contrat d'objectifs personnels que chacun doit renouveler tous les trois mois se révèle, pour cer - -

par Gilbert Reilhac STRASBOURG (Reuters) - Avec son potager, sa basse-cour et ses chalets à toit plat disséminés autour d'une place publique, le...

par Gilbert Reilhac

STRASBOURG (Reuters) - Avec son potager, sa basse-cour et ses chalets à toit plat disséminés autour d'une place publique, le village des Berges de l'Ain, à Strasbourg, pourrait passer pour un coquet phalanstère.

Ce centre de "stabilisation" destiné à ramener les sans-abri vers l'autonomie a été ouvert voici deux ans par l'Adoma, entreprise semi-publique qui gère des centres d'accueil et d'hébergement. Si le but à atteindre reste un combat quotidien pour les 29 résidents, le village, niché entre l'autoroute et le canal du Rhône au Rhin, a trouvé son rythme de vie.

Six villageois partent ce jeudi matin avec des travailleurs sociaux pour une randonnée "chiens" dans les Vosges.

Car si la possibilité de disposer d'un chalet de 20 m2 à soi est l'une des singularités du centre, le fait de pouvoir s'y installer avec son animal fait tout autant la différence pour les gens de la rue.

Le sujet est à ce point crucial que les ateliers canins sont une activité régulière qui n'attire pas que les maîtres de chiens. On apprend à éduquer l'animal, à le maîtriser mais aussi à s'en séparer.

"Une personne qui a été dans la rue avec son chien a vécu dans une relation fusionnelle avec lui. Il faut faire en sorte que ça n'handicape pas la vie sociale du maître s'il retrouve un travail", explique Patrick Kientz, le directeur du centre.

Les rues du village portent désormais un nom, choisi par le conseil du village au Panthéon des rêves communs : Tranquillité, Solidarité, Partage.

La place centrale est devenue "A la place des Don Quichotte", clin d'oeil à l'association du même nom qui fut à l'origine de la création du village sur un terrain où elle planta longuement ses tentes.

Le bâtiment des travailleurs sociaux a été simplement baptisé "Maison des autres".

OMELETTE COMMUNAUTAIRE

C'est également au sein du Conseil qu'a été décidée la construction du poulailler dont les cinq poules permettent chaque semaine à l'atelier cuisine de confectionner l'omelette communautaire.

La présence à cette réunion mensuelle était facultative. Elle ne l'est plus à compter de ce mois de juillet.

"C'est quand même un lieu où l'on apprend la démocratie, celui où l'on parle régulièrement du respect", dit Patrick Kientz.

Les règles sont pour le reste minimales ou très proches de celles qui s'imposent dans la vie sociale : la violence, le vol ou l'ivresse dans l'espace public sont interdits mais aucun gendarme ne surveille les résidents dans leur appartement.

"Lorsqu'un chalet ressemble trop au garage où la personne vivait avant, on fait des remarques, mais on n'oblige pas", précise le directeur.

Le contrat d'objectifs personnels que chacun doit renouveler tous les trois mois se révèle, pour certains, autrement plus contraignant.

Une douzaine de résidents ont, depuis 2010, quitté le village de leur propre chef, pour revenir à la case départ. Il n'y a eu en revanche que deux exclusions, l'une pour vol, l'autre pour agression. Dix villageois seulement sont là depuis l'origine.

Si le nombre de sorties vers un logement autonome se limite à trois, d'autres ont fixé la barre moins haut pour un objectif tout aussi crucial.

Johnny, un grand blond de 55 ans aux airs de rocker, rencontré par Reuters en juillet 2010, a découvert qu'il était mal en point et se fait soigner à l'hôpital, sa "résidence principale" quand il a sa villégiature aux Berges de l'Ain.

Roland, qui croyait dur comme fer pouvoir reprendre son emploi de serveur, est parti avec sa femme Brigitte pour une cure de sevrage alcoolique préparée avec l'équipe du village.

"Quelqu'un qui a trente ans de rue, ce n'est pas en six mois ou deux ans qu'il va s'en sortir, mais quelqu'un qui, au bout de deux mois, change ses draps ou chauffe son repas, c'est déjà un signe de progrès", résume Patrick Kientz.

Edité par Yves Clarisse