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Société

Le groupe Doux tente de se sauver entre intérêts contradictoires

Les 3.400 salariés du groupe Doux restent dans l'incertitude sur le sort de leur entreprise, premier producteur de volailles en Europe, où les projets de cession globale se heurtent à la stratégie du PDG, malgré des marques d'intérêt d'investisseurs. /Pho

Les 3.400 salariés du groupe Doux restent dans l'incertitude sur le sort de leur entreprise, premier producteur de volailles en Europe, où les projets de cession globale se heurtent à la stratégie du PDG, malgré des marques d'intérêt d'investisseurs. /Pho - -

par Pierre-Henri Allain RENNES (Reuters) - Les 3.400 salariés du groupe Doux restent dans l'incertitude sur le sort de leur entreprise, premier...

par Pierre-Henri Allain

RENNES (Reuters) - Les 3.400 salariés du groupe Doux restent dans l'incertitude sur le sort de leur entreprise, premier producteur de volailles en Europe, où les projets de cession globale se heurtent à la stratégie du PDG, malgré des marques d'intérêt d'investisseurs.

Le dirigeant de la société familiale, qui détient 35% des parts, a fait un pas en déclarant au Journal du Dimanche qu'il était prêt à ouvrir le capital du groupe, en redressement judiciaire depuis le 1er juin.

L'un des administrateurs judiciaires a proposé un appel d'offres pour une reprise globale de l'entreprise avec maintien des activités. Mais Charles Doux, dont la famille détient au total 80% du capital, estime que le groupe, endetté à hauteur de plusieurs millions d'euros, a les moyens financiers de tenir durant la période d'observation.

Plusieurs sociétés, dont leader français de la nutrition animale Glon Sanders, ont manifesté leur intérêt pour une cession partielle ou totale. Les groupes coopératifs Terrena et Triskalia ainsi que LDC, entreprise agroalimentaire spécialisée dans l'élevage, la transformation et la commercialisation des volailles, sont aussi intéressés, a-t-on précisé de source proche du dossier.

"Nous sommes dans une situation où chacun des trois acteurs du dossier, les pouvoirs publics, Charles Doux et les administrateurs judiciaires, travaillent sur des plans différents", a-t-on déclaré lundi de source proche du dossier.

"Dès le départ, Charles Doux, qui cherche à préserver les intérêts de sa famille, s'est mis dans une situation où ceux qui pouvaient l'aider se sont retournés contre lui", ajoute-t-on, citant le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI).

DIFFÉREND AVEC NATIXIS

Aux fortes tensions entre les pouvoirs publics et Charles Doux, apparues au moment où celui-ci a pris la décision d'un dépôt de bilan alors que des négociations étaient en cours, s'est ajouté le manque de coordination entre administrateurs judiciaires et direction du groupe.

"Lorsque l'un des deux administrateurs chargé du redressement a annoncé vendredi le lancement d'un appel d'offres pour une reprise du groupe, cela a pris tout le monde au dépourvu", reconnaît-on chez Doux, où l'on veut croire encore à la possibilité d'un plan de continuation.

Pour éviter un plan de cession qui l'écarterait du contrôle du groupe, la direction de Doux mise sur la vente d'une usine "non-stratégique" pour une valeur de 17 millions d'euros, sur laquelle le tribunal de commerce se prononcera mardi.

Elle réclame aussi 30 millions d'euros à la société d'affacturage Natixis Factor pour faire face à ses échéances à court terme.

Le différend avec Natixis, chargée de recouvrer les factures de Doux, notamment auprès de la grande distribution, est toutefois à son comble depuis que Charles Doux a rompu sans préavis son contrat il y a deux semaines, précise la société.

LE DÉPART DE CHARLES DOUX, UNE SOLUTION?

"On n'avait jamais vu ça. Quant au chiffre de 30 millions dont parle Charles Doux, il n'a aucune réalité. Nous avons versé 35 millions d'euros à l'entreprise avant son placement en redressement et encore 9 millions ensuite", dénonce un porte-parole de Natixis.

"Du fait de la rupture du contrat, nous sommes en outre dans l'impossibilité de continuer à le financer et nous nous retrouvons dans une situation ubuesque", ajoute ce porte-parole, qui précise que plusieurs factures n'ont pu être payées à Doux faute de justificatifs suffisants.

L'ouverture du capital du volailler est "une étape nécessaire" pour "d'abord régler un problème de cash", a souligné lundi sur RTL Stéphane Le Foll.

"Il y aura une solution qui ne sera pas forcément ce qu'avait souhaité Charles Doux", a ajouté le ministre de l'Agriculture. Prié de dire si un changement de direction pourrait être la solution, il a répondu "peut-être".

Des représentants syndicaux, qui dénoncent "le manque total de transparence du groupe", réclament le départ du PDG et ne seraient pas opposés à une reprise globale du groupe, redoutant son démantèlement morceau par morceau.

"Ce serait une catastrophe car tous les sites sont interdépendants et se fournissent les uns les autres", explique Jean-Luc Guillart, délégué CFDT.

Les créances bancaires officielles du groupe s'élèvent à 340 millions d'euros mais l'endettement global pourrait atteindre le double avec les créances envers les éleveurs.

Avec Sybille de la Hamaide à Paris, édité par Sophie Louet