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La "TVA sociale" s'invite dans la campagne présidentielle

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par Sophie Louet PARIS (Reuters) - Maudite à droite depuis les élections législatives de 2007, décriée à gauche pour son impact sur le pouvoir...

par Sophie Louet

PARIS (Reuters) - Maudite à droite depuis les élections législatives de 2007, décriée à gauche pour son impact sur le pouvoir d'achat, la "TVA sociale" refait surface à sept mois de la présidentielle française dans un contexte de déficits publics élevés.

Motif d'empoignade mercredi lors du second débat des six prétendants à l'investiture socialiste, ce mécanisme en vigueur au Danemark et en Allemagne a été évoqué jeudi soir par le ministre des Affaires étrangères, l'UMP Alain Juppé, lors de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2.

"Nous taxons le travail essentiellement. Et je crois qu'il va falloir déplacer le poids de la fiscalité sur autre chose et notamment sur la dépense", a-t-il déclaré, levant en partie ce tabou fiscal dans la majorité.

"Je vois qu'aujourd'hui, certains candidats le reprennent, notamment dans le camp d'en face. Vous voyez, parfois on peut être un peu consensuel", a-t-il ajouté en allusion à la campagne pour la primaire socialiste des 9 et 16 octobre.

Manuel Valls, l'un des "petits" prétendants au scrutin interne, s'est attiré les foudres de ses concurrents en prônant une hausse d'un point des TVA à 19,6% et 5,5% dont seraient exemptés les produits de première nécessité pour "injecter tout de suite 10 milliards d'euros dans le budget de l'Etat".

"Une solution de droite", a répliqué Arnaud Montebourg. Une mesure qui affecterait les classes populaires et moyennes, selon Martine Aubry. "Une TVA anti-sociale" qui accentuerait la récession pour Ségolène Royal.

"Je n'ai pas encore compris ce qu'elle avait de social", a répliqué Jean-Michel Baylet. Moins cinglant, François Hollande a dessiné la piste d'une "contribution écologique" à la charge des entreprises se substituant à la taxe sur le travail.

LE CENTRE AUSSI

A droite, le président du Nouveau Centre, Hervé Morin, a inclus la TVA sociale dans son "programme économique". Le président du MoDem François Bayrou, qui prône une hausse générale de deux points de la TVA, se montre prudent sur une piste "intéressante".

La "TVA sociale" consiste à affecter une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée au financement de la protection sociale. En clair, on transfère une partie des cotisations sociales des employeurs sur une hausse de la TVA.

L'opposition de gauche estime que ce dispositif non progressif pénaliserait au premier chef les ménages modestes, la part des revenus consacrée à la consommation étant plus importante dans les catégories populaires.

"Une brutale injustice", dénonce Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l'élection présidentielle.

Les défenseurs de la mesure soulignent ses effets bénéfiques pour la compétitivité et ses vertus "anti-délocalisations" puisqu'elle modifie l'équilibre entre producteurs locaux, délestés de charges, et importateurs en relevant mécaniquement les prix des produits importés.

La TVA, qui recouvre trois taux en France (2,1% pour les médicaments et la presse, 5,5% pour l'alimentation, et le taux de base de 19,6%) est, de loin, la première source de recettes de l'Etat : 136,9 milliards sur un total de 273,1 milliards prévu pour 2012, soit 50,1%.

Une forme de TVA sociale existe Outre-mer (Réunion, Guadeloupe, Martinique) depuis la loi Perben de 1994. Le taux a été relevé de 7,5% à 9,5% en échange d'exonérations de cotisations sociales dans l'industrie, l'hôtellerie, la restauration notamment.

La "BOURDE" DE 2007

Piste avancée dans le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy en 2007, la "TVA sociale" a été enterrée dans l'entre-deux-tours des élections législatives en juin de la même année après que Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Economie, eut révélé maladroitement le soir du premier tour que cette idée était à l'examen.

Une "bourde" à laquelle les élus UMP imputèrent la perte de 60 à 80 sièges à l'Assemblée dont celui d'Alain Juppé, qui démissionna du gouvernement à la suite de sa défaite à Bordeaux.

Le projet n'a toutefois jamais déserté les tiroirs de l'exécutif qui, soucieux de ne pas écorner son dogme de non augmentation des prélèvements obligatoires, prend soin de parler de "compensation".

Dans un rapport commandé en 2007 par le Premier ministre François Fillon, les services de Bercy estimaient qu'un relèvement d'un point et demi du taux normal de TVA, conjugué à une baisse de deux points (environ 9 milliards d'euros) des cotisations sociales, pourrait créer entre 22.000 et 47.000 emplois.

Relancée fin 2010 par le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé, qui y était initialement hostile, l'hypothèse n'a jamais été écartée par Nicolas Sarkozy.

Le chef de l'Etat avait reconnu en février 2011 qu'"il faudra(it) bien, un jour, avoir un débat sur le financement de la protection sociale". Une façon de suggérer que ce thème aurait sa place dans la campagne présidentielle.

Avec Marc Angrand et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse