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Société

La rénovation des halles de Paris face aux résistances

Vue du quartier des Halles, dans le centre de Paris. Après les travaux qui devraient durer six ans et coûter 760 millions d'euros, le Forum des Halles sera doté d'une "canopée", vaste toit de verre et d'acier ondulé haut de 14,5 mètres. Mais les travaux,

Vue du quartier des Halles, dans le centre de Paris. Après les travaux qui devraient durer six ans et coûter 760 millions d'euros, le Forum des Halles sera doté d'une "canopée", vaste toit de verre et d'acier ondulé haut de 14,5 mètres. Mais les travaux, - -

par Michel Rose PARIS (Reuters) - Surnommées "le ventre de paris" par Emile Zola, les halles parisiennes accueillaient naguère au coeur de la...

par Michel Rose

PARIS (Reuters) - Surnommées "le ventre de paris" par Emile Zola, les halles parisiennes accueillaient naguère au coeur de la capitale de quoi la nourrir, en provenance de toutes les régions de France.

Près de quarante ans après la destruction des bâtiments de l'architecte haussmannien Victor Baltard, le quartier des Halles - le nom est resté - est une zone commerciale sans charme, désertée par les touristes et les Parisiens, qui lui préfèrent la pimpante rue piétonne Montorgueil voisine.

Le Forum est le point noir du secteur, centre d'attraction de trafiquants de drogue, sans domicile fixe et jeunes désoeuvrés.

"Cela fait douze ans que je travaille là, c'est devenu affreux", témoigne Kim Schou, 63 ans, propriétaire d'un café dans le Forum. "Quand il fait chaud, le ciment devient comme un micro-ondes. Quand il pleut, tout fuit".

Le centre commercial, en partie souterrain, est unanimement considéré comme une abomination.

A l'heure de la rénovation du quartier, des résistances se sont fait jour pour protéger le jardin Lalanne adjacent, au point de remettre en cause l'ensemble du programme.

Les travaux, qui devaient commencer en mai, ont été reportés après les actions de riverains visant à sauvegarder cette oasis de verdure.

343 ARBRES ABATTUS

"C'est la destruction complète d'un jardin qui est maintenant mature. L'abattage de 343 arbres dans un milieu urbain, ça fait quand même mal", dit à Reuters Gilles Pourbaix, président de l'association de riverains Accomplir.

Cette dernière et le groupe UMP du Conseil de Paris ont réitéré cette semaine leur hostilité au projet de rénovation, qui vient d'être déclaré d'utilité publique par le préfet de région.

Après travaux - qui devraient durer six ans et coûter 760 millions d'euros -, le Forum sera doté d'une "canopée", vaste toit de verre et d'acier ondulé haut de 14,5 mètres.

Gilles Pourbaix, 58 ans, qui vit dans la rue Saint-Denis, connue pour ses sex-shops et ses prostituées, craint un embourgeoisement du quartier.

"Devenir un nouveau Saint-Germain-des-Prés, nous, on veut pas", dit-il, en référence au quartier intellectuel et chic sur la rive gauche de la Seine.

Aux Halles, le trafic de drogue est un problème depuis les années 1980, avec la présence de vendeurs de cannabis dans le jardin et de trafiquants qui attirent SDF et consommateurs à l'intérieur du Forum, selon un rapport des autorités datant de 2004.

Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, ne cache pas son ambition de changer le visage d'un quartier décrit comme peu sûr.

"Les Halles, c'est le coeur de Paris, c'est le noeud du réseau de transport parisien, aujourd'hui ça a une image assez pitoyable", dit Dominique Hucher, directeur du projet du réaménagement des Halles à SemPariSeine, société d'économie mixte dont la ville est l'actionnaire majoritaire.

"C'est pour ça que la ville veut y faire revenir les Parisiens. Aujourd'hui, dans les équipements publics, il y a beaucoup plus de banlieusards que de Parisiens car les Parisiens ont une mauvaise image du lieu", explique-t-il.

"NETTOYAGE SOCIOLOGIQUE"

Avec 800.000 personnes qui s'y croisent chaque jour, cinq lignes de métro et trois lignes de RER, la gare des Halles est un carrefour majeur et l'une des principales portes d'entrée des banlieusards dans la capitale.

Après les émeutes dans les banlieues en 2005, le président Nicolas Sarkozy avait promis un "Plan Marshall" pour désenclaver les quartiers, notamment en améliorant les transports.

Pour Gilles Pourbaix, le projet des Halles vise au contraire à chasser les jeunes, souvent d'origine maghrébine ou africaine, que l'on croise dans les magasins, la piscine ou les cinémas.

"C'est faire du nettoyage sociologique", dénonce-t-il.

Le prix de l'immobilier aux Halles tourne autour de 7.000 euros le mètre carré, contre 10.000 euros dans le quartier voisin du Marais, très en vogue.

Depuis que la ville de Paris a lancé un concours international d'architecture en 2002, le processus de sélection a été ouvert aux Parisiens et aux riverains, qui ont pu donner leur avis sur le projet.

"L'association Accomplir représente 80 à 100 membres. Nous répondrons à la satisfaction de 45 millions de personnes", fait valoir le porte-parole d'Unibail-Rodamco, société franco-néerlandaise qui gère le centre commercial et soutient le projet.

Selon Anne Hidalgo, adjointe au maire de Paris et possible candidate à la mairie en 2014, les travaux devraient reprendre incessamment.

Gilles Pourbaix ne désarme pas. "La canopée ne sera qu'un vaste centre commercial, et les services publics comme les écoles de musique seront délocalisés. Nous sommes prêts à aller devant la Cour européenne de justice", dit-il .

Alors que Nicolas Sarkozy avance son projet de "Grand Paris" pour permettre à la capitale française de rivaliser avec Londres ou New York, Bertrand Delanoë est conscient de l'importance d'un succès du projet des Halles pour l'image de son deuxième et dernier mandat.

"Malheureusement, chaque citoyen peut avoir sa propre vision de l'intérêt général", dit Dominique Hucher.

Avec Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet