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La PMA pour toutes votée par le Parlement: un "accouchement dans la douleur après 9 ans de gestation"

Ce vote marque la fin d'un long parcours législatif. L'Assemblée nationale a adopté en dernière lecture ce mardi l'ouverture de la PMA aux lesbiennes et aux femmes célibataires. Une réforme de société qui a été freinée plus d'une fois.

Ce qui fut une promesse de campagne de François Hollande se retrouve finalement adopté neuf ans plus tard sous la présidence d'Emmanuel Macron. La PMA pour toutes va désormais être une réalité, avec l'adoption ce mardi soir par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la bioéthique. Un texte validé par 326 voix contre 115 et 42 abstentions qui comprend sans doute la plus importante réforme de société du quinquennat après "neuf ans de gestation et un accouchement dans la douleur" selon l'Inter-LGBT.

Le sujet émerge lors de la présidentielle de 2012. Najat Vallaud-Bekacem, alors porte-parole du candidat François Hollande, participe au grand Meeting LGBT pour l'égalité. Celle qui devint quelques mois plus tard la ministre des Droits des femmes rappelle alors devant l'assemblée l'un des engagements du candidat socialiste: celui de l'extension de la PMA, ouverte jusqu'alors aux seuls couples hétérosexuels, aux couples de femmes.

"Il s'agit aussi de reconnaître les nouvelles familles qui pourront désormais se constituer grâce à un projet de coparentalité, à une adoption ou même à une procréation assistée", déclarait alors Najat Vallaud-Belkacem.

Pas dans la loi sur le mariage pour tous

Cinq semaines plus tard, le Parti socialiste remet les pieds à l'Élysée. Le sujet de société qui marquera le quinquennat Hollande est sans conteste celui du "mariage pour tous", le projet de loi porté par la Garde des sceaux Christiane Taubira. Mais la PMA pour toutes manque finalement à l'appel.

"Ça, ce n'est pas dans le texte, c'est renvoyé au comité national d'éthique, qui va donner un avis à la fin de l'année et donc cette question là n'est pas intégrée dans le texte", expliquait en mars 2013 le président de la République sur un plateau télévisé, affirmant qu'il "respectera(it) ce que dira(it) le comité national d'éthique".

Et puis plus rien. Le comité national d'éthique ne se prononce pas cette année-là, ni celles qui suivent. Pas d'avis rendu mais des enquêtes d'opinion en guise de consolation pour les défenseurs. Si un sondage OpinionWay estime en janvier 2013 que 63% des Français n'étaient pas favorables à la PMA pour les couples lesbiens, l'opinion bascule quelques années plus tard. En 2016, un sondage Odoxa montre que 54% des Français sont favorables à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes.

"Trahison" des gouvernements sous Hollande

Le gouvernement a pris lors de cette année la décision d'abroger une de ses propres circulaires sur la PMA menaçant les gynécologues français de sanctions s'ils conseillaient à leurs patientes lesbiennes ou célibataires de se tourner vers l'étranger pour une PMA. Un petit geste qui avait surpris plusieurs militants LGBT, ces derniers dénonçant l'hypocrisie et le manque d'ambition du gouvernement.

La Marche des fiertés qui s'est tenue en 2016 a notamment été marquée par des messages forts adressés à l'exécutif: "droits des trans méprisés, PMA enterrée, LGBTI précarisé-e-s... Face à l'invisibilisation de nos luttes et aux trahisons du gouvernement, reprenons le combat" pouvait-on lire sur une banderole. 

"Repousser éternellement l'adoption de cette loi, ça engage toute la vie de ces femmes qui veulent des enfants. Leur destinée est liée à des décisions politiques. C’est très violent", témoignait le 1er juin dans les colonnes du Monde Alice Coffin. L'élue écologiste à la mairie de Paris et auteure du Génie lesbien regrette des années de report "pendant lesquelles la possibilité d’avoir un enfant s’est volatilisée pour des milliers de femmes. Moi y compris."

"Nous aurions dû inclure la PMA dans le texte du mariage pour tous", a récemment concédé Najat Vallaud-Belkacem chez nos confrères de Têtu. Un regret qu'a dit partager l'ancien président socialiste.

Premier avis rendu par le comité d'éthique en 2017

En 2017, le texte n'est toujours pas voté, mais le débat sur l'élargissement de la PMA est à nouveau relancé. Lors de la présidentielle, Emmanuel Macron n'en fait pas une promesse de campagne, mais se déclare "favorable" à son ouverture "pour les femmes seules et les couples de femmes".

"Il n'y a pas de justification juridique pour que la PMA ne leur soit pas ouverte. Pour avancer de façon pédagogique, nous souhaitons attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) afin d'assurer dans la société un vrai débat, pacifié et argumenté", écrivait alors le candidat sur son site de campagne, comme l'a relevé Libération.

Un premier avis est enfin rendu quelques semaines après la victoire du candidat d'En Marche, le 27 juin 2017: le Comité consultatif national d'éthique se prononce en faveur de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires. En septembre 2017, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa assure sur BFMTV/RMC que le gouvernement vise la PMA pour toutes pour l'année 2018, "probablement avec les révisions de la loi bioéthique".

Un texte arrivé au Parlement en septembre 2019

Mais le texte ne cesse d'être reporté au cours de cette année, jusqu'à ce que le CCNE confirme son avis favorable le 25 septembre 2018. Un an passe et le débat sur la PMA pour toutes s'invite à l'Assemblée le 24 septembre 2019, près d'un an jour pour jour après ce second avis.

Le projet de loi n'échappe cependant pas à la navette parlementaire et se voit largement remanié au début de l'année 2020 par la chambre haute: la droite sénatoriale s'oppose catégoriquement au remboursement de la PMA pour toutes par la sécurité sociale.

La crise sanitaire vient ensuite bouleverser les plans de l'exécutif et l'épidémie contraint le Parlement à interrompre la deuxième lecture du texte. Celle-ci est alors reportée à l'été 2020. Le 1er août 2020, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi en deuxième lecture.

Véran promet des parcours de PMA "dès la rentrée"

Quelques mois plus tard, en février 2021, le Sénat décide de durcir le ton une dernière fois et s'offre un baroud d'honneur en rayant alors la PMA pour toutes du projet de loi bioéthique.

Après deux années d'examen, le constat est sans appel: les députés et les sénateurs ne sont pas parvenus à trouver un accord. Qu'importe pour la majorité, puisque c'est l'Assemblée qui a eu "le dernier mot" sur ce projet de loi bioéthique, définitivement adopté ce mardi.

Olivier Véran a promis début juin des parcours de PMA "dès la rentrée" pour les couples de femmes et les femmes célibataires. Le ministre de la Santé a indiqué que les textes d'application ont d'ores et déjà été préparés, afin "que des premiers enfants puissent être conçus avant la fin de l'année 2021".

Une déclaration optimiste et reprise ce mardi par le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles Adrien Taquet, alors que la prise en charge en France de ces nouvelles patientes prendra au moins plusieurs mois. En outre, le délai d'attente pour recevoir des gamètes pour les PMA avec don peut prendre jusqu'à plusieurs années dans un CECOS (Centre d'Étude et de Conservation des oeufs et du sperme humains).

L'ouverture à la PMA pour les couples de femmes lesbiennes et les femmes célibataires constitue une avancée notable mais encore insuffisante pour plusieurs associations LGBT, qui ont déploré de "trop nombreux manquements"du texte final: les hommes trans sont exclus de l'accès à la PMA et le recours à la technique dite "ROPA" - à savoir possibilité pour la femme du couple qui ne porte pas l'enfant de donner ses ovocytes à sa conjointe - a également été écarté par les parlementaires et le gouvernement.

Hugues Garnier Journaliste BFMTV