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La fronde gagne du terrain dans la magistrature

Le mouvement de protestation contre les propos de Nicolas Sarkozy mettant en cause la magistrature dans une affaire de crime a gagné du terrain lundi et pourrait selon les syndicats se généraliser à tout le pays. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

Le mouvement de protestation contre les propos de Nicolas Sarkozy mettant en cause la magistrature dans une affaire de crime a gagné du terrain lundi et pourrait selon les syndicats se généraliser à tout le pays. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Le mouvement de protestation contre les propos de Nicolas Sarkozy mettant en cause la magistrature française...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le mouvement de protestation contre les propos de Nicolas Sarkozy mettant en cause la magistrature française dans une affaire de crime a gagné du terrain lundi et pourrait selon les syndicats se généraliser à tout le pays.

Cette épreuve de force entre le pouvoir politique et le système judiciaire est sans précédent dans l'histoire du pays. Les syndicats de magistrats appellent à reporter toutes les audiences jusqu'à jeudi, jour d'une manifestation nationale à Nantes.

Après Nantes, une quinzaine de juridictions ont déjà lancé la "grève", à Besançon, Pointe-à-Pitre, Strasbourg, Dijon, Villefranche-sur-Saône, Châlons-sur-Saône, Avignon, Auxerre, Bayonne, Rennes et Quimper, notamment. Une centaine d'assemblées générales sont programmées ailleurs, disent les syndicats.

"C'est une sorte de raz de marée, c'est vraiment le ras-le-bol de l'intégralité des magistrats français, et ça va même bien au-delà des rangs des seuls magistrats", a dit à Reuters Virginie Valton, vice présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

Plusieurs personnalités de la majorité estiment que la magistrature tente de fuir toute notion de responsabilité.

Le ministre de la Justice, Michel Mercier, maintient la perspective de sanctionner les magistrats quand les rapports d'enquêtes administratives lui seront remis en fin de semaine.

Les juges sont responsables, aux yeux de Nicolas Sarkozy, de négligence dans le suivi d'un homme sorti de prison en février 2010, Tony Meilhon, suspecté d'avoir tué une jeune fille de 18 ans, Laëtitia Perrais, et démembré son corps.

Condamné 15 fois, le suspect n'a pas été libéré sur décision d'un juge mais avait purgé durant onze ans toutes ses peines, sans réduction. Il devait respecter, dans le cadre d'une dernière condamnation pour outrage à magistrat, une "mise à l'épreuve".

Son suivi - obligation de rechercher un emploi et de voir un médecin - n'a pas été appliqué faute d'effectifs, dans le cadre d'accords écrits validés par la hiérarchie judiciaire et administrative. Il n'y a que trois juges d'application des peines à Nantes et 17 agents de probation pour suivre 3.300 détenus.

TRÉVIDIC ET BILGER HAUSSENT LE TON

Le conflit a été provoqué par le chef de l'Etat, lorsqu'il a déclaré la semaine dernière : "quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute".

Plusieurs figures du monde judiciaire ont, fait rare, répliqué très vivement au chef de l'Etat, remarquant qu'il avait le rôle constitutionnel d'assurer l'indépendance de la magistrature, et devaient assurer son fonctionnement matériel.

"En la matière, (Nicolas Sarkozy) est un multirécidiviste, parce que les attaques contre la justice sont monnaie courante depuis des années (...) Je pense qu'il est largement temps de lui appliquer la peine-plancher", a dit lundi sur France info Marc Trévidic, président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI).

L'avocat général parisien Philippe Bilger, jadis proche du chef de l'Etat, s'est montré également virulent sur son blog.

"Ces polémiques sont révélatrices d'un climat démocratique préoccupant où les institutions ne se respectent plus, où la suspicion des uns s'affronte au mépris des autres et où, en définitive, la paix de la République est quotidiennement troublée", écrit-il.

Fait nouveau, les magistrats sont cette fois suivis par au moins deux syndicats de police majoritaires, Unité-police et le Syndicat national des officiers de police (SNOP), qui soutiennent les policiers nantais.

Tony Meilhon ne faisait pas l'objet d'une plainte pour viol, contrairement à ce qu'avaient écrit les ministères de la Justice et de l'Intérieur, soulignent les syndicats.

Le système judiciaire français a été classé en 2010 par le Conseil de l'Europe au 37e rang continental pour le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) par habitant consacré à la justice. Le budget pour 2011 pour la justice est de 7,1 milliards d'euros, soit environ 2,5% du budget de l'Etat.

Edité par Patrick Vignal