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Société

La « dénonce » de collègues sur Internet

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Une entreprise basée dans le Calvados demandait à ses salariés de se dénoncer entre eux, via un site Internet. Le tribunal de Caen a jugé cet encouragement à la délation, illégal.

Peut-on dénoncer ses collègues de travail sur Internet ? En France non, a répondu ce vendredi 6 novembre le tribunal de Grande Instance de Caen (Calvados), qui avait été saisi par le Comité d'entreprise de la société Benoist Girard (280 salariés), basée à Hérouville-Saint-Clair. Cette filiale de la société américaine Stryker avait mis en place un service internet de délation à l'intention de ses salariés. Un « système d'alerte professionnelle [qui] crée un trouble manifestement illicite », a estimé le juge des référés.

Il fume du cannabis dans les toilettes, dénigre le patron, pique des trombones ou détourne des fonds de l'entreprise... Par le biais d'un site internet auquel adhérait l'entreprise Benoist Girard (www.ethicspoint.com), ses salariés pouvaient dénoncer, anonymement ou non, leurs collègues de travail. Et ce en remplissant des questionnaires classés par catégories de délits.

« Un champ de délation trop large »

Une pratique légalisée aux Etats-Unis - pays où est basée la maison-mère de la société -, sous couverts de lutte contre les scandales financiers, telle que la faillite du courtier Enron qui avait ruiné des milliers d'actionnaires en 2001. La loi Sarbanes Oxley de 2002 a en effet imposé aux sociétés cotées aux Etats-Unis de lutter contre la corruption via un système d'alerte professionnelle.

En France, en revanche, le dispositif a provoqué une levée de boucliers de la part des syndicats. Pour eux, il s'agit ni plus ni moins de « délation, interdite par la loi informatique et libertés ». Me Elise Brand, avocate du comité d'entreprise de la société Benoist-Girard explique : « le champ de délation est trop large » et permet de « raconter tout et n'importe quoi », dans le dispositif de Stryker. Ce que confirme Robert Provost, secrétaire du comité d'entreprise et élu CFDT : « Le système permet une série de dérives. On peut tout dénoncer. Parmi les thèmes proposés, 21 sont ciblés et le 22ème - "Autres" - sert à mettre tout ce que vous n'avez pas trouvé dans les 21 premiers. C'est inacceptable d'un point de vue de la conformité et sur le plan moral. Et au-delà du plan moral, c'est bien un système qu'on veut nous imposer, qui influe considérablement sur notre modèle social et sur les relations dans le travail. »

La rédaction, avec Pierre Viaud