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Société

La crise chez Doux plonge les éleveurs en plein désarroi

Après le placement du groupe Doux en redressement judiciaire, beaucoup d'éleveurs, victimes d'impayés, s'interrogent sur l'avenir du leader européen de la volaille et réclament des garanties sur leurs créances pour continuer à travailler. /Photo d'archive

Après le placement du groupe Doux en redressement judiciaire, beaucoup d'éleveurs, victimes d'impayés, s'interrogent sur l'avenir du leader européen de la volaille et réclament des garanties sur leurs créances pour continuer à travailler. /Photo d'archive - -

par Pierre-Henri Allain LE MERZER, Côtes-d'Armor (Reuters) - Après le placement du groupe Doux en redressement judiciaire, beaucoup d'éleveurs,...

par Pierre-Henri Allain

LE MERZER, Côtes-d'Armor (Reuters) - Après le placement du groupe Doux en redressement judiciaire, beaucoup d'éleveurs, victimes d'impayés, s'interrogent sur l'avenir du leader européen de la volaille et réclament des garanties sur leurs créances pour continuer à travailler.

"Beaucoup d'éleveurs ont quitté le navire dans les six derniers mois et il faut rapidement des garanties, sinon cela va continuer", s'inquiète Philippe Jehan, président de la section avicole de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Mayenne.

Au Merzer, une petite commune des Côtes-d'Armor, Pierre-Yves Lozahic, qui exploite deux poulaillers représentant une surface de 1.700 m2, a fait le choix de renouveler son contrat avec Doux malgré une créance de 15.000 euros.

"On n'a pas le choix, si on arrête, on est sûr que le groupe tombe et ça va être un cataclysme. Il faut garder confiance pour maintenir au moins quelque chose", explique cet éleveur qui vient de relancer un lot de 47.000 poussins en élevage.

"Si seulement 20% des 800 éleveurs qui travaillent avec Doux s'en vont, c'est terminé. Tout va se jouer dans les dix à quinze prochains jours", ajoute t-il.

Installée dans le Maine-et-Loire, Nadège Benaiteau, 26 ans, exprime également son inquiétude après seulement un an et demi d'activité et 106.000 euros d'impayés chez Doux.

"On ne peut pas continuer longtemps comme cela, nous ne savons plus quoi faire", explique la jeune femme, venue lundi soir à la rencontre de Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), sur l'exploitation de Pierre-Yves Lozahic.

Selon le syndicat agricole majoritaire, qui a lancé un appel pour un meilleur approvisionnement des élevages en aliments et en gaz pour chauffer les couvoirs, les fournisseurs étant eux-mêmes victimes d'impayés, les sommes dues par Doux aux éleveurs s'élèveraient à 15 millions d'euros.

DOSSIER COMPLEXE

Pour Daniel Prigent, avocat de la FDSEA des Côtes-d'Armor, il faut de toute urgence "débloquer des fonds pour que les éleveurs puissent travailler".

"C'est une urgence absolue, sinon ils partiront à la concurrence et si les sites d'abattage du groupe Doux ne sont plus alimentés en poulets, ce sera la liquidation judiciaire", estime t-il, estimant que "les politiques n'ont pas l'air de prendre la mesure du problème".

Xavier Beulin, qui doit rencontrer ce mardi les représentants des organismes sociaux pour tenter de trouver des solutions pour "soulager les trésoreries", a estimé que les éleveurs devraient sans doute faire face à "une demande d'abandon d'une partie des créances".

"Une vie d'entreprise a ses propres contingences qui doivent être partagées par les éleveurs", a t-il dit, soulignant que les difficultés du groupe Doux représentaient "un dossier extrêmement complexe par son ampleur" et susceptible de remettre "toute la filière avicole en cause".

Selon le président de la FNSEA, des restructurations seront sans doute inévitables mais il faut défendre la filière du poulet export.

"Trois poulets français sur quatre sont exportés par Doux, qui peut se passer de cela ?", a t-il dit lundi soir.

Xavier Beulin a exprimé sa confiance dans "la volonté" de Charles Doux de sauver son groupe, soulignant qu'il fallait trouver à l'échelle de la filière "un équilibre" entre la production de poulets standards destinés à l'export, la production de poulets label et celle de produits élaborés.

LIGNE DE CRÉDIT

Pour l'heure, les responsables de la FNSEA estiment que les administrateurs judiciaires doivent trouver au moins 15 millions d'euros pour faire face aux échéances les plus urgentes.

Selon un porte-parole du groupe Doux joint par Reuters, le pool bancaire avec lequel ont été engagées des négociations pourrait accorder à l'industriel une ligne de crédit de l'ordre de 20 millions d'euros.

"Le paiement des arriérés sera échelonné mais il est hors de question de s'asseoir sur une partie des créances dues aux éleveurs", a t-il souligné.

Ces derniers jours, certains sites d'abattage du groupe Doux travaillaient environ au tiers de leur capacité, selon des responsables de la FNSEA, faute d'un approvisionnement suffisant en poulets.

Certains sites fabriquant des produits élaborés tournent également au ralenti, manquant de certains ingrédients alimentaires ou matériels nécessaires à leur production et à leur conditionnement.

Environ 80 des 240 employés de l'usine Père Dodu de Quimper (Finistère) ont dû prendre des journées de congés payés depuis vendredi et jusqu'à mercredi en raison d'une charge de travail insuffisante.

Edité par Patrick Vignal