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L'île de sein se remémore l'appel du 18 juin

La croix de l'ordre de la Libération, que l'île de Sein est l'une des cinq communes de France à avoir reçu. L'île bretonne, située à l'ouest de la Pointe du Raz, dans le Finistère, a célébré jeudi la mémoire des 126 îliens qui furent parmi les tout premie

La croix de l'ordre de la Libération, que l'île de Sein est l'une des cinq communes de France à avoir reçu. L'île bretonne, située à l'ouest de la Pointe du Raz, dans le Finistère, a célébré jeudi la mémoire des 126 îliens qui furent parmi les tout premie - -

par Pierre-Henri Allain ILE DE SEIN, Finistère (Reuters) - L'île de Sein, située à l'ouest de la Pointe du Raz, dans le Finistère, a célébré jeudi...

par Pierre-Henri Allain

ILE DE SEIN, Finistère (Reuters) - L'île de Sein, située à l'ouest de la Pointe du Raz, dans le Finistère, a célébré jeudi la mémoire des 126 îliens qui furent parmi les tout premiers Français à rejoindre le général de Gaulle à Londres en juin 1940.

Devant le monument dédié aux forces Françaises libres (FFL), le secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco, a rendu hommage à ce premier contingent que le général accueillit à Londres, parmi quelque 500 hommes, de ces mots devenus célèbres: "Mais l'île de Sein, c'est donc le quart de la France!".

Entourés de leurs enfants, petits-enfants et de proches, trois des sept survivants parmi les marins et fils de marins âgés de 14 à 54 ans qui avaient répondu à l'appel ont été décorés de la Légion d'honneur.

Alors âgé de quinze ans, François Hervis, dont deux cousins prirent la mer et qui restera sur l'île comme la plupart des adolescents de son âge, se souvient des jours qui précédèrent le départ.

"C'est le gardien du phare de l'île de Sein qui a prévenu la population que l'appel d'un général serait rediffusé le 22 juin à la radio. Il y avait seulement quatre postes TSF sur l'île et quelques dizaines de personnes se sont rassemblées pour l'écouter", raconte-t-il.

"TOUTES LES FEMMES PLEURAIENT"

Il ne faudra guère plus de 48 heures pour qu'une centaine d'hommes, soutenus par le maire, qui a reçu un avis de recensement imminent par les Allemands, et le recteur, les deux personnages les plus importants de cette île qui compte alors 1.200 habitants, se portent volontaires.

"Le 24 juin à 22h00, pour les premiers départs, toute la population était rassemblée sur la cale pendant que Brest flambait devant nous et que l'on entendait les avions allemands roder dans le ciel", se souvient François Hervis.

"Il n'y a pas eu de grosses lamentations. Seulement beaucoup d'émotion et de kenavo, kenavo! (au revoir en breton, ndlr)".

Non loin de ce militaire en retraite, Jeanne Fouquet, alors âgée de 13 ans et dont le père et les deux frères embarquèrent dans les premiers bateaux, corrige sensiblement cette version.

"Les mères, les épouses, toutes les femmes pleuraient. Tout s'est passé très vite, les hommes sont partis sans se poser de questions", précise-t-elle.

Après le Velleda et le Rouanez-ar-mor, deux bateaux de pêche pleins à craquer, trois autres navires appareilleront au cours des deux jours suivants.

"On peut épiloguer sur les raisons de ces départs spontanés, mais lorsqu'on a entendu le général de Gaulle, c'était un appel au secours et la notion de secours sur cette île est sacrée", remarque François Hervis, rappelant la tradition de sauveteurs en mer des Sénans.

"La notion de devoir y était aussi un concept vécu journellement avec cette devise chevillée au corps: 'doue hag ar vro', Dieu et la patrie", poursuit-il.

"ILS AVAIENT FAIT LEUR DEVOIR"

La plupart des Sénans qui rejoindront Londres seront affectés aux Forces navales de la France Libre et ne reverront leur île qu'après la Libération. De vingt à une trentaine d'hommes originaires de l'île, selon les sources, périront au combat.

Le 1er janvier 1946, la Croix de la Libération est attribuée à Sein par Charles de Gaulle en personne.

Il reviendra en 1960 sur cette petite île de 56 hectares, à l'extrême pointe de la Bretagne, plate comme une crêpe de froment, devenue l'une des cinq communes françaises élevée au rang de "Compagnon de la Libération".

"Quand les hommes sont revenus sur l'île de Sein, il se sont remis aussitôt au travail et n'ont jamais beaucoup parlé de ce qu'ils avaient vécu", souligne Jean-Pierre Kerloc'h, 62 ans, le maire actuel de l'île, dont le grand-père et deux oncles ont été de l'épopée.

"Pour eux, leurs actes n'avaient rien d'exceptionnel. Ils avaient fait leur devoir, comme on va sauver quelqu'un à la mer", conclut-il.

Entouré d'enfants et d'adolescents, Hubert Falco a déclaré qu'à l'instar du maquis du Vercors ou des mille fusillés du Mont Valérien, l'île de Sein appartenait désormais à "la France éternelle".

Une délégation d'enfants de l'île et de descendants des marins partis en juin 1940 vers l'Angleterre rejoindront Londres vendredi pour participer aux cérémonies commémoratives.

Edité par Sophie Louet