L'ex-patron des RG parle d'écoutes au service du pouvoir
PARIS (Reuters) - Un système d'écoutes téléphoniques illégales à la discrétion du chef de l'Etat et du Premier ministre est en place en
France depuis de nombreuses années, assure l'ancien patron des Renseignements généraux Yves Bertrand.
L'ancien policier, qui a dirigé les "RG" de 1992 à 2004, livre cette accusation dans un entretien à Mediapart dans lequel il commente les
accusations de création d'une police parallèle à l'encontre de Bernard Squarcini, porté en 2008 à la tête de la Direction centrale du
renseignement intérieur (DCRI), qui a fusionné RG et DST.
"Les écoutes, la DCRI en a fait comme vous pouvez manger des croissants. Il faut savoir qu'il y a des écoutes qui ne passent pas par la
commission de contrôle des interceptions de sécurité, comme on dit pudiquement", dit Yves Bertrand.
"Je l'ai vécu moi même, lorsque j'étais à la tête des Renseignements généraux. Il y avait des écoutes sauvages, à la discrétion de Matignon
et de l'Elysée. Et qui n'étaient pas contrôlées. C'est en dehors de la procédure d'autorisation", ajoute-t-il.
Il y a deux types d'écoutes téléphoniques autorisées en France, celles ordonnées par un magistrat dans le cadre d'une enquête judiciaire, et
celles autorisées par le Premier ministre, après avis d'une commission spécialisée, à la demande des services de renseignement. Le service qui
réalise les écoutes se trouve sous les Invalides, à Paris.
Selon Yves Bertrand, un troisième réseau parallèle a été constitué et "Matignon avait entre vingt et trente lignes, peut-être plus, qui ne
passaient pas par la commission" lorsqu'Alain Juppé était Premier ministre.
Ces pratiques se sont poursuivies selon lui avec la DCRI. Il qualifie la création de ce service, sans débat parlementaire et sans organe de
contrôle, de "crime" et de "dérive politique".
"On ne fusionne pas un service dont la vocation est avant tout judiciaire et opérationnelle, comme la DST (Direction de la surveillance du
territoire-NDLR) , avec un service d'information, comme les RG. Vous créez une police politique. C'est une atteinte aux libertés énorme", dit-
il.
Yves Bertrand dit également ce qu'il pense de l'action de Bernard Squarcini : "Il a fait des coups tordus chaque fois qu'il y en avait à
faire. Il n'a pas su dire non à Sarkozy. Il a tout fait. Il n'y a pas que les fadettes."
Bernard Squarcini a déposé plainte en diffamation contre les trois journalistes auteurs du livre, "L'espion du président", qui le met en
cause. Le PS a demandé des explications .
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse