"Je vais à la rue? Ok": l'appel à l'aide d'une jeune fille contre la précarité

La fondation catholique Apprentis d'Auteuil dénonce le manque de dispositifs pour venir en aide aux jeunes en difficulté lorsqu'ils atteignent leur majorité. L'ONG fait témoigner une jeune fille inquiète pour son avenir.

C'est un cri d'alarme. La fondation Apprentis d'Auteuil, qui accueille, scolarise et aide à l'insertion des jeunes en danger ou en difficulté, dénonce l'absence de soutien et de dispositifs pour les jeunes majeurs une fois que ces derniers quittent les structures de protection de l'enfance.

Elle a dû renoncer à des études de médecine

Dans une vidéo diffusée début janvier sur ses réseaux sociaux, la fondation catholique - créée en 1866 - fait témoigner une jeune fille qui craint pour son avenir. Annie a 18 ans et vit en foyer. "Brillante", comme le précise la fondation à BFMTV.com, elle a dû renoncer après son bac à des études de médecine. Car si elle bénéficie d'un contrat jeune majeur, ce dernier n'aurait pas permis d'assurer les nombreuses années d'études d'un tel cursus. Elle est actuellement en école d'infirmière et travaille pour financer ses études.

"J'ai vu beaucoup beaucoup beaucoup de jeunes partir du jour au lendemain, on les a mis à la rue. Ben je vais où? Je vais à la rue? Ok. Donc ça, ça va faire une personne qui va être en situation d'errance, qui va aller à droite, à gauche. C'est difficile. Je suis scolarisée, je n'ai pas de ressources familiales ou de soutien familial, donc quelque part, je suis à la rue, je vais être obligée d'être déscolarisée."

À la fin de la vidéo, la fondation lance un appel à l'aide: "Ne laissons plus les jeunes sortants de la protection de l'enfance livrés à eux-mêmes à leur majorité, lance-t-elle à la fin de la vidéo. Continuons à leur offrir un accompagnement même après 18 ans."

"C'est un immense gâchis"

Car selon André Altmeyer, directeur général adjoint des Apprentis d'Auteuil, de nombreux jeunes accompagnés par la protection de l'enfance se retrouvent en grande difficulté une fois majeurs.

"Pour ceux qui sont passés de structure en structure, qui ont connu beaucoup de déplacements, ou qui ont été pris en charge tardivement, le passage à la majorité peut devenir une vraie galère, indique-t-il à BFMTV.com. Sans réseau, c'est un engrenage qui les emmène de squat en squat et risque de les faire tomber à la rue ou dans la délinquance. C'est un immense gâchis pour eux, pour les équipes qui les ont accompagnés et pour la société qui a investi lorsqu'ils étaient mineurs."

Il rappelle que si l'aide sociale à l'enfance peut être prolongée au-delà de la majorité jusqu'à l'âge de 21 ans, cette mesure se raréfie et serait même devenue exceptionnelle dans certains départements. La fondation ajoute que plus d'un jeune SDF de 18 à 24 ans sur trois a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant de se retrouver à la rue.

"Un tutorat pour les aiguiller de façon durable"

C'est pour cela que les Apprentis d'Auteuil souhaitent interpeller les élus et les candidats à la présidentielle sur le sort de ces jeunes.

"Nous avons lancé une grande concertation l'année dernière avec nos jeunes pour recueillir leur propre constat, précise André Altmeyer. Nous avons, avec eux, coécrit un livre blanc qui est l'expression de leurs expériences, de leurs réflexions et de leurs aspirations."

Dans ce livre: une vingtaine de propositions, dont le développement de dispositifs permettant d'accompagner les jeunes sortant de l'aide à l'enfance.

"Il s'agit de faire de la prévention et d'apporter le maillon manquant dans la chaîne de solidarité afin de permettre à ces jeunes de s'inscrire dans la société et le monde du travail pour ne pas que l'accompagnement mis en place ait été vain. Il ne s'agit pas de mettre plus de moyens mais de coordonner les dispositifs existants et de proposer à ces jeunes un tutorat pour les aiguiller de façon durable."

Céline Hussonnois-Alaya