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"J'ai vu la mort avec mes yeux": Mohammed, migrant, raconte sa traversée de La Manche

Le jeune homme de 28 ans se trouve au Royaume-Uni depuis deux mois, après avoir traversé la Manche aidé par des passeurs. Pour BFMTV, il revient sur son parcours.

Face aux journées qui s'éternisent et en attendant de voir sa demande d'asile acceptée ou non, Mohammed, migrant iranien de 28 ans, tue le temps en buvant du café. Au Royaume-Uni depuis deux mois, le jeune homme est arrivé illégalement sur l'île, en traversant la Manche.

Cinq jour après la noyade de 27 migrants ayant tenté la même route migratoire que lui, Mohammed a accepté de revenir pour BFMTV sur son voyage, les raisons de son exil et les difficultés rencontrées Outre-Manche.

Une route de plus en plus utilisée

L'Angleterre, il l'a atteint en faisant la traversée de Calais à Douvres. "J'étais dans l'eau pendant 14 heures. J'ai vu la mort avec mes yeux" explique-t-il. Car bien qu'il soit arrivé sain et sauf à destination, le voyage qu'a entrepris Mohammed se révèle particulièrement dangereux. La navigation dans la Manche se fait à bord de petites et fragiles embarcations, bien souvent surpeuplées. Les 30.000 personnes qui, comme le jeune Iranien, ont néanmoins tenté la traversée cette année, n'ont pas tous connu sa chance. Avant le drame qui s'est joué le 24 novembre, des centaines de migrants avaient été secourus alors qu'ils étaient en difficulté dans la nuit du 16 au 17 octobre, par exemple.

Le témoignage de Mohammed permet également de mieux appréhender le rôle joué par les passeurs dans la Manche, alors que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé à l'issu d'une réunion à Calais ce dimanche une "lutte encore plus intense" contre ceux accusés de réaliser des profits financiers sur la détresse humaine.

"Oui, j'ai payé un passeur 2000 euros. C'est impossible de faire le voyage sans eux. Il y a des passeurs depuis l'Iran pour traverser la Manche, mais aussi pour aller de la Turquie à la Grèce. On est sous leur protection tout le trajet" explique Mohammed.

40 euros par semaine

En Angleterre, il vit dans un appartement avec sept autres demandeurs d'asile, partage sa chambre et se voit allouer l'équivalent de 40 euros par semaine pour vivre. Sa famille lui manque. Mais malgré sa situation, il ne regrette pas son choix.

"En Iran, j'étais discriminé à cause de ma religion et de mon identité. Je n'avais le droit de rien faire, même pas de parler dans ma langue natale. Alors fuir était la meilleure option."

Un projet de loi en cours d'examen à Londres

Mais arriver illégalement au Royaume-Uni comme l'a fait Mohammed pourrait bientôt être passible d'une peine de prison. Un projet de loi à l'étude par le gouvernement britannique, mené par la ministre de l'Intérieur Priti Patel, entend punir de quatre ans d'emprisonnement tout migrant arrivant illégalement sur le sol anglais. De plus, le migrant condamné pour ce fait ne pourra pas recevoir d'aides de l'Etat ou faire venir sa famille.

Certaines associations britanniques, choquées par le drame du 24 novembre, réclament, elles, l'ouverture d'une voie de migration légale et sûre. Le Royaume-Uni, de par sa langue parlée par de nombreux migrants, son taux de chômage faible et son marché du travail peu regardant sur l'identité des travailleurs continue d'attirer en masse des demandeurs d'asile.

Jules Frésard