Interpellations dans les Pyrénées-atlantiques: l'identité des individus interpellés sème le trouble
Une opération policière franco-espagnole, présentée par Paris et Madrid comme "un coup" porté à ETA, a viré à l'imbroglio avec l'interpellation de personnalités de la société civile affirmant avoir voulu "détruire" des armes de l'organisation séparatiste basque qui a renoncé depuis 2011 à la violence.
Cinq personnes, dont une femme, ont été interpellées ce vendredi soir à Louhossoa, près de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), a annoncé le ministère de l'Intérieur. Placées en garde à vue, elles pourraient être transférées dimanche ou lundi à Paris, où le parquet anti-terroriste a ouvert une enquête préliminaire, selon des sources proches du dossier. Au cours de l'opération, "une importante saisie d'armes, d'explosifs et de munitions" a été réalisée, selon le ministère.
Le président de la Ligue des droits de l'homme ne décolère pas
Contrairement à de premières informations, le président d'honneur de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), l'avocat Michel Tubiana, ne figure pas parmi les personnes interpellées: "Je devais y être, mais n'ai pas pu m'y rendre", a-t-il précisé. L'objectif des militants de la société civile était de "détruire des armes" d'ETA et "les remettre aux autorités", a-t-il ajouté. "Il y a un blocage total du processus de désarmement d'ETA, un blocage qui vient du côté des gouvernements français et espagnol". "Nous ne nous sommes pas cachés", a-t-il dit, dénonçant une "opération policière (...) manifestement politique".
Parmi les cinq interpellés figurent le dirigeant du mouvement écologiste Bizi!, Jean-Noël Etcheverry, dit Txetx, Michel Berhocoirigoin, ancien président de la Chambre d'agriculture du Pays Basque, Michel Bergougnian, coopérateur viticole dans l'appellation basque Irouléguy, et deux journalistes indépendants, Béatrice Haran-Molle, ainsi que Stéphane Etchegaray, indique-t-on de sources proches du dossier.
Une interprétation qui ne fait pas l'unanimité
L'opération policière a été conduite par des enquêteurs français assistés de membres de la Guardia Civil espagnole. Cette interpellation est "un nouveau coup dur porté à ETA", selon le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux. "Personne n'a le droit de se proclamer destructeur d'armes et éventuellement de preuves", a-t-il déclaré à la presse ce samedi, justifiant les interpellations. "Pourquoi détruire des armes, si elles ont servi à commettre des faits graves, peut-être même des attentats?", a-t-il insisté. Pour Madrid, "la Guardia Civil a porté un coup à l'arsenal de la bande terroriste ETA en France".
Mais cette interprétation ne fait décidément pas l'unanimité. Ainsi, même du côté du PS, une ancienne porte-parole, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, proche du président François Hollande, a déclaré dans un tweet: "J'apporte tout mon soutien" à "des militants engagés pour la paix".
2.000 à 4.000 manifestants en soutien à Bayonne
Plusieurs mouvements ont organisé ce samedi à Bayonne (Pyrénées-atlantiques) une manifestation de protestation, qui a rassemblé 2.000 personnes, selon la police, et plus de 4.000, selon les organisateurs.
En tête du cortège ont défilé pêle-mêle le vice-président du conseil départemental Max Brisson (LR), les députées PS Colette Capdevielle et Sylviane Alaux, la sénatrice PS Frédérique Espagnac, le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray (UDI).