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Pour vivre vieux, mieux vaut être bluesman que rappeur

Le rappeur Tupac Shakur est mort à l'âge de 25 ans, le 13 septembre 1996, assassiné à Las Vegas.

Le rappeur Tupac Shakur est mort à l'âge de 25 ans, le 13 septembre 1996, assassiné à Las Vegas. - You Tube

Comment la pratique d'un genre musical ou d'un autre affecte-t-elle l'espérance de vie des musiciens? C'est l'une des questions à laquelle a répondu, graphiques à l'appui, une professeure de musique et de philosophie de l'université de Sydney, en Australie. Ses conclusions valident certains stéréotypes, mais démentent dans le même temps certaines légendes tenaces.

Les musiciens vivent intensément et meurent jeunes, dit-on. Le "club des 27", qui réunit des artistes prestigieux morts à 27 ans, ne va-t-il pas dans ce sens? Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain et Amy Winehouse font tous partie de ce "club" après avoir connu une mort violente, liée à la prise de drogue voire, pour le leader de Nirvana, à un suicide par arme à feu.

Existerait-il une malédiction touchant ces musiciens? Dianna Theadora Kenny, professeure de psychologie et de musique à l'université de Sydney, en Australie, signe trois articles passionnants consacrés à son enquête statistique sur le sujet.

Loin des mythes habituels, son travail révèle qu'on aurait pu tout aussi bien créer un "club des 28", mais surtout un "club des 56", l'âge auquel le plus grand nombre de musiciens meurent, soit 2,3% de cette population. Alors que le fameux "club des 27", lui, ne concerne que 1,3% d'entre eux.

Davantage de morts violentes chez les musiciens

Comparés au reste de la population américaine, les chiffres compilés par Dianna Kenny montrent que les pourcentages de décès par accident, suicide ou homicide chez les musiciens de pop music sont beaucoup plus importants (jusqu'à six ou sept fois) selon la décennie considérée. On observe un net bond des suicides et des homicides pendant les années 90.

Pourcentage de décès des musiciens selon l'âge de la mort.
Pourcentage de décès des musiciens selon l'âge de la mort. © Dianna Theadora Kenny

Selon l'auteur, cette surmortalité est induite par le comportement des acteurs de la scène musicale. Elle note "l'absence de limites" et la "valorisation des comportements scandaleux et des pulsions agressives, sexuelles et destructrices, que la plupart d'entre nous se bornent à fantasmer".

Selon que vous serez bluesman ou rappeur…

L'autre enseignement, accessible dans le troisième article de la série, concerne la mesure de l'espérance de vie selon le type de musique pratiqué. Force est de constater qu'en la matière, les stéréotypes se vérifient. Ainsi, ceux qui pratiquent les genres les plus anciens, tels le blues, le jazz, la country, le gospel, vivent bien plus longtemps. Les ambassadeurs du R&B, du folk, de la world music s'en sortent aussi pas trop mal, même si leur espérance de vie reste nettement inférieure à celle du reste de la population américaine.

Au contraire, pour les adeptes du rock et de l'électro, mais plus encore du punk, du metal, du rap et du hip-hop, l'espérance de vie est carrément écourtée. Jusqu'à moins d'une trentaine d'années pour les rappeurs. Et qu'on parle d'hommes ou ou de femmes, le genre ne change pratiquement rien à l'affaire, les deux courbes se suivant de très près.

Les décès des musiciens selon le genre de musique pratiqué et selon le sexe.
Les décès des musiciens selon le genre de musique pratiqué et selon le sexe. © Dianna Theadora Kenny
Les causes de la mort des musiciens ventilés en fonction des genres de musique pratiqués.
Les causes de la mort des musiciens ventilés en fonction des genres de musique pratiqués. © Dianna Theadora Kenny

En examinant la cause de ces décès, les morts violentes expliquent pour une bonne part ces disparités. Ainsi, les punks et "métalleux" sont surreprésentés dans les morts par accident, avec respectivement 30 et 36,2% des décès. Les rappeurs et autres adeptes du hip-hop, eux, meurent à 51 et 51,5% par homicide, validant les ravages des rivalités entre gangs. Quant aux jazzmen et bluesmen, ils meurent beaucoup plus tardivement, d'un cancer pour 10,6 et 9,2% d'entre eux. Comme quoi toutes les musiques n'adoucissent pas forcément les mœurs.