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"Ici, il y a la paix": des migrants arrivés à Lampedusa en septembre racontent leur exil jusqu'à Paris

Depuis plusieurs jours, des migrants, arrivés en Europe par l'île italienne de Lampedusa au début du mois de septembre, font étape à Paris. Avec pour objectif pour certains de poursuivre leur voyage vers le Royaume-Uni ou l'Allemagne.

Chaque matin, dans les jardins d'Éole, au cœur du 18e arrondissement de Paris, des bénévoles distribuent des petits-déjeuners aux personnes dans le besoin. Parmi les bénéficiaires, dont le nombre a augmenté ces derniers jours, figurent des migrants en provenance d'Afrique subsaharienne.

Certains de ceux avec qui BFMTV a pu échanger ont posé le pied en Europe il y a seulement quelques semaines lors de l'afflux massif de migrants sur l'île italienne de Lampedusa, au large de la Tunisie et de la Libye. Ces nouveaux arrivants vivent dans la rue, majoritairement sous le pont du métro aérien et restent en petits groupes pour se protéger.

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"Très dur" de raconter les épreuves du voyage

"Ici aujourd'hui il y a une trentaine de personnes qui viennent d'Érythrée et d'Éthiopie. Les autres sont originaires du Soudan, certains d'Afghanistan ou du Bangladesh", explique à BFMTV Saïd, un Soudanais de 20 ans, arrivé en France trois jours plus tôt en passant par Briançon (Hautes-Alpes).

"Ce que l'on a vécu, par quoi on est passé, notre vie, c'est très dur de le raconter", poursuit le réfugié, qui travaillait dans la logistique. Désormais, il espère pouvoir s'installer en Belgique ou aux Pays-Bas, pour y reconstruire sa vie.

Car, pour beaucoup, Paris n'est qu'une étape de leur long voyage pour quitter leur pays en guerre. "Ils ne vont pas forcément rester en France au vu de l'accueil qu'on leur réserve", affirme Yann Manzi, cofondateur d'Utopia 56, association d'aide aux exilés.

"C'est un accueil par le trottoir: toutes ces populations exilées vont passer plusieurs semaines voire mois à la rue, histoire de les dissuader de rester dans notre pays", ajoute-t-il.

"Ici, il y a la paix"

C'est le cas de Brana, un Érythréen de 18 ans diplômé en mécanique, qui veut rejoindre son frère en Allemagne. Pour lui, l'exil a commencé en juin.

"Je suis parti il y a quatre mois d'Érythrée", raconte-t-il à BFMTV. "C'est très dur là-bas parce qu'il y a la guerre. Ici, à Paris, il y a la paix."

Passé par la Libye, Brana explique comment la police locale traque les migrants subsahariens et les rançonne en les menaçant de les emprisonner. Comme 8500 personnes en seulement trois jours début septembre, il a fait le trajet vers Lampedusa avec ses sœurs et des amis. Ils étaient neuf au total à effectuer la dangereuse traversée de la Méditerranée.

Il est difficile de chiffrer le nombre de personnes arrivées en France de Lampedusa ces dernières semaines. "Mais on peut imaginer que ce chiffre est dérisoire et la France et l'Europe ont bien sûr les moyens d'accueillir ces personnes", assure Yann Manzi.

"On fait croire à l’opinion publique qu'il y a une submersion, en attendant, on laisse les gens mourir dans la Méditerranée ou dormir sur les trottoirs", déplore-t-il.

130.000 arrivées en Italie

Depuis le début de l'année, le nombre des arrivants en Italie sur des bateaux en provenance d'Afrique du Nord a augmenté, avec plus de 130.000 migrants enregistrés jusqu'à présent, contre 70.000 pour la même période de 2022.

La France, par l'intermédiaire d'Emmanuel Macron, avait assuré à la fin du mois faire "sa part" dans l'accueil de migrants, tout en ajoutant qu'"on ne peut pas accueillir toute la misère du monde".

De son côté, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait affirmé sur BFMTV et RMC que "l'essentiel" des migrants arrivés à Lampedusa "n'aura pas l'asile en Europe" car la majorité provient de pays "où il n'y a pas de dictatures, de persécutions ni politiques ni religieuses" comme le Cameroun, le Sénégal ou la Tunisie.

Benoit Ballet