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Société

Faut-il taxer les très hauts revenus en France ?

« Qu’on s’attaque aux vraies économies à faire », lance l’économiste Michel Godet, dénoncant la « démagogie » du gouvernement.

« Qu’on s’attaque aux vraies économies à faire », lance l’économiste Michel Godet, dénoncant la « démagogie » du gouvernement. - -

Le gouvernement français envisagerait d'imposer une taxe de 1% ou 2% aux 30 000 personnes dont le revenu fiscal de référence dépasse un million d'euros. « Une mesure factice », estiment certains, chiffres à l’appui, dénonçant la stratégie de Sarkozy pour 2012.

Elle est encore loin d'être adoptée, mais une taxe de 1 à 2% sur les revenus de plus d'un million d'euros, pourrait bientôt voir le jour. La possibilité est étudiée au sein de la majorité, d'après le quotidien économique Les Echos de ce jeudi.
Une taxe qui serait appliquée aux 30 000 personnes dont le revenu fiscal de référence [ndlr, le RFR inclut les plus-values mobilières et immobilières et les revenus perçus à l'étranger] dépasse un million d'euros. A un taux de 1%, la taxe rapporterait 150 millions d'euros dans les caisses de l'Etat. A 2%, le double.
Constitué de parlementaires de la majorité, ce groupe de travail – chapeauté par les ministres de l'Economie et du Budget, François Baroin et Valérie Pécresse –, devrait rendre ses travaux fin août-début septembre. Nicolas Sarkozy rendra son arbitrage à la rentrée.

« 10 000 euros par foyer, c’est pas un effort monstrueux pour ces ménages »

Gilles Carrez est rapporteur du budget à l'Assemblée Nationale, et député UMP du Val-de-Marne, est « pour l’idée que les Français très riches participent de façon exceptionnelle à l’effort que nous devons tous faire pour redresser nos comptes publics. A 2% par exemple, ça fera de l’ordre de 10 000 euros par foyer qui perçoit plus d’1 million de revenus. Honnêtement, 10 000 euros ça n’est pas non plus un effort monstrueux. Les ménages français les plus aisés comprendront parfaitement ».

« Et au même moment, on accorde une baisse de l’ISF de 1,8 milliard »

Don son côté, Michel Sapin, secrétaire national du PS à l'économie, et député de l'Indre, est « contre » : « Vouloir taxer de 150 à 300 millions, 30 000 personnes gagnant plus de 100 000 euros par mois, au même moment où on accorde une baisse de l’impôt sur la fortune de 1,8 milliard, on voit bien que c’est une manière d’amuser la galerie. Cette mesure est purement factice ; c’est faire croire qu’une goutte de justice fiscale pourrait effacer l’océan d’injustices fiscales mises en place depuis 5 ans ».

« Une goutte d’eau, par rapport au déficit public… C’est de la démagogie ! »

Chiffres à l’appui, l’économiste Michel Godet, auteur de Bonnes Nouvelles des Conspirateurs du futur [Editions Odile Jacob], explique la vacuité de cette possible taxe : « C’est rien du tout, une goutte d’eau, par rapport au déficit : 300 millions d’euros, alors que notre déficit public est de 140 milliards… c’est de la démagogie ! Mais il faut bien faire payer ceux qui ont les moyens de payer plus, à condition qu’on s’attaque aux vraies économies à faire, notamment dans les niches fiscales scandaleuses, par exemple ceux qui investissent aux Antilles, dans des bateaux… Mais on ne s’attaque pas à ça, parce qu’il y a trop de lobbies puissants, qui naturellement sont là pour se défendre ».

« Un affichage politique pour Sarkozy, on sent l’approche des Présidentielles… »

Philippe Frémeaux, éditorialiste au mensuel Alternatives Economiques, dénonce, lui, la stratégie du gouvernement en vue des élections de 2012 : « Il s’agit d’abord d’un affichage politique pour Nicolas Sarkozy. Son discours a changé : en 2007, tous les revenus récompensaient le "mérite", le "travail", et là on découvre que finalement des revenus seraient "exceptionnels", voire extravagants ; il est temps que notre Président s’en rende compte. On sent l’approche des Présidentielles ».

La Rédaction, avec Benjamin Smadja